Suivi de la qualité de l'eau de la Garonne lors de la migration anadrome du saumon en amont de Golfech
Résumé
Un suivi de la qualité d'eau en Garonne a été réalisé en 2004-2005 afin d'étudier l'impact éventuel des conditions environnementales, principalement en terme de charge en pesticides, sur les problèmes migratoires recensés lors de la montaison du saumon en amont de Golfech. En effet, différents comportements particuliers empêchant la remontée des géniteurs jusqu'aux zones de fraie, notamment dans le secteur aval de Belleperche, avaient été préalablement observés en 2002 et 2003. Ils se distribuent en 3 catégories : des dévalaisons de poissons pourtant en migration anadrome, des mortalités et des arrêts intervenant avant la reproduction. Pour évaluer la qualité de l'eau, en particulier au niveau des pesticides présents dans le milieu, 78 analyses ont été effectuées au niveau de 3 stations de prélèvement implantées dans le premier tiers du tronçon de Garonne situé entre Golfech et Toulouse, à savoir à Malause, à Saint-Nicolas-de-la-Grave et à Belleperche. Une analyse supplémentaire a été effectuée sur le Tarn, portant à 79 le nombre total d'analyses réalisées pendant la période mars 2004 mai 2005, notamment lors d'évènements hydrologiques particuliers (augmentations de débits, étiages). Les paramètres classiques, nutriments azotés, carbonés et phosphorés, étaient quantifiés et 42 pesticides recherchés. La majorité des analyses contenait des pesticides en quantités détectables (18 pesticides différents détectés au total), voire parfois quantifiables. En effet, seuls 2 résultats d'analyses effectuées le 3 octobre 2004 et le 16 janvier 2005, en dehors des périodes de traitement en pesticides et d'augmentations de débit, ont montré un bruit de fond nul du bassin versant. Il apparaît nettement que les analyses peuvent être réparties en 2 saisons distinctes selon qu'elles ont été effectuées au printemps et en début d'été ou le reste de l'année. La première saison est significativement plus riche en polluants que la seconde, en liaison directe avec les périodes de réalisation des traitements phytosanitaires. Hors pollution ponctuelle ou accidentelle arrivant directement aux eaux de surface, les pluies et les épisodes de ruissellement et/ou de lixiviation qui les accompagnent sont le facteur déclenchant des flux de substances dissoutes et particulaires des milieux terrestres aux cours d'eau. Aussi, une relation entre la pollution et le débit a pu être mise en évidence, de même qu'entre la pollution et la hauteur de pluie. Suivant la même logique, les forts débits adossés à des évènements pluvieux suivant les périodes de traitements sont à l'origine des plus fortes teneurs de pesticides dans l'eau. Par ailleurs, la charge en pesticides n'est pas équivalente sur les 3 stations, Malause présentant une qualité d'eau meilleure que St-Nicolas-de-la-Grave et, dans une moindre mesure, que Belleperche. Une pollution moins marquée du Tarn d'une part, l'effet de décantation et d'auto-épuration de la retenue d'autre part peuvent contribuer à expliquer ce constat. Concernant les inter-relations entre qualité des eaux et cycle migratoire du saumon, il est nécessaire de sérier l'analyse en fonction du descripteur comportemental étudié. Ainsi, les dévalaisons apparaissent intimement liées aux augmentations de débit, en particulier printanières, accompagnées d'augmentations de turbidité et surtout d'augmentations de la charge en pesticides, dans un contexte de faibles températures. Ces variables étant toutes corrélées, il est difficile de trancher quant au poids relatif de chacune d'entre elles dans l'apparition des dévalaisons. Aucune d'entre elle n'est cependant susceptible d'expliquer ou de prédire de manière fiable à elle seule l'apparition des dévalaisons. Ces dernières sont donc probablement causées par un groupe de variables parmi celles étudiées, la taille de notre échantillon (46 évènements) n'étant pas suffisante pour mettre en évidence un effet subtil probablement en interaction avec d'autres. On ne peut néanmoins exclure que d'autres variables environnementales non suivies dans le cadre de cette étude (autres pesticides, autres micropolluants) ne participent à leur apparition. Les mortalités observées dans le cadre de l'étude sont largement expliquées par les fortes températures (moyenne journalière du jour de la mort ou, mieux, moyenne sur les 7 jours précédant la mort de l'animal). Les pesticides ne semblent quant à eux pas être le premier facteur explicatif de la mort des saumons, bien que la détection de certains insecticides neurotoxiques à de fortes teneurs (exemple constaté : le carbofuran) puisse laisser suspecter un risque de toxicité aiguë par ce type de molécules pouvant causer des mortalités de poissons lors des crues printanières. Toutefois, les mortalités apparaissent plus prononcées dans un environnement contaminé en pesticides. Les saumons soumis à une eau de moindre qualité seraient ainsi plus sensibles à l'arrivée d'un nouveau stress comme un stress thermique et résisteraient moins aux fortes températures estivales. Les arrêts semblent quant à eux ne pas pouvoir être mis en relation avec la pollution en pesticides. Le débit de la rivière mais aussi la qualité de son eau, en particulier en terme de charge en pesticides et de température, jouent donc un rôle incontestable dans la migration anadrome du saumon sur la Garonne. Ces effets sont probablement exacerbés par le fait que les saumons progressent dans un milieu fragmenté qui retarde incontestablement leur progression et augmente ainsi le risque de confrontation à un environnement et une qualité d'eau défavorables.