Learning to see catastrophies
Apprendre à voir les catastrophes : innover dans les représentations pour se représenter ce qui ne l'est pas encore
Résumé
Pour faire face aux catastrophes, anticiper les ruptures, s'adapter aux discontinuités, il importe de savoir regarder ailleurs, pour cerner des faits qui n'existent pas encore à nos yeux, car pas encore nommés ou représentés. Nous raisonnons souvent sur de grandes tendances, en restant dans une même logique. Nous sommes peu habitués à réagir à des modifications subites, imprévisibles, qui sortent de notre cadre habituel. Or, il existe des signes d'une « catastrophe » à venir, avant qu'elle ne soit collectivement formulée. L'identifier assez tôt pour pouvoir s'y adapter au mieux nécessite de se mettre en situation de percevoir ce qu'on ne voit pas encore. Cet apprentissage peut passer par des pratiques très en rupture avec nos modes de pensée habituels. Il nous faut pour cela rechercher ailleurs que dans nos champs de compétence, en mobilisant par exemple les domaines artistique ou littéraire, pour appréhender ce qui pourrait venir, pour trouver des fils d'Ariane aptes à nous diriger dans les incertitudes de l'avenir, pour donner à voir ce qui ne l'est pas encore. Nous illustrons nos propos sur des questions d'aménagement du territoire, en distinguant plusieurs situations : (i) on ne change pas collectivement de comportement face à un phénomène déjà repéré, comme le changement climatique pour l'aménagement forestier, (ii) on ne voit pas le changement, et on ne repère pas la fin d'un processus, pourtant inscrite dans sa dynamique même, comme dans les événements politiques amenant à des émeutes urbaines ou (iii), on n'est pas en mesure de prévoir les changements, mais on peut les provoquer, comme dans la conception de projets de territoire. Nous proposons quelques pistes de réflexion pour anticiper les catastrophes.