Depuis une vingtaine d'années, les agriculteurs sont de plus en plus fréquemment sollicités ou associés pour conjuguer activité agricole et production de paysage. Dans ce contexte, qu'en est-il de l'appropriation de la notion de paysage par ces acteurs ? Va-t-elle de soi ? Plusieurs enquêtes montrent qu'ils utilisent peu souvent ce terme. Lorsqu'ils le font, c'est pour parler des gens qui visitent leur territoire, ou parfois pour discuter des MAE. Par contre, pour présenter ce qu'ils font ou aimeraient faire au quotidien sur leur exploitation, ils évoquent l'entretien de l'espace, expression qui paraît plus conforme à la dimension esthétique ou éthique de leur travail et leur souci de « maintenir propre ». Si pour certains « maintenir propre » reste prioritairement lié à leur activité de production, d'autres conçoivent de le dissocier et en faire une finalité en soi ; dans tous les cas, chaque conception renvoie à leur identité professionnelle en constante évolution. L'entretien de l'espace peut aussi leur servir à parler de changements socio-économiques en cours sur le territoire, qu'ils déplorent ou apprécient. Cette distinction entre « paysage » et « entretien de l'espace » dans l'usage commun qu'en font les agriculteurs montre que les sollicitations paysagères ne sont pas de simples changements techniques. Elle témoigne d'un changement plus profond qui mobilise la réflexion des agriculteurs.