Les dispositifs de Contrat de rivière et de Schéma d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) font partie des nouveaux modes d'action publique faisant le pari d'un gain d'efficacité par leur territorialisation. En matière environnementale, cette efficacité repose sur la capacité des gestionnaires de l'eau à faire changer les pratiques responsables des atteintes aux milieux, et à obtenir pour ce faire des marges et moyens d'action auprès des autorités, des partenaires financiers, ou de leurs mandants (usagers de l'eau, électeurs, citoyens). Si la politique de l'eau est territorialisée, dans la mesure où elle est modelée par les spécificités locales, elle possède également une dimension territorialisante, dans le sens où elle conforte, défait ou modifie les territorialités et les territoires existants. Nous faisons l'hypothèse que l'efficacité environnementale de ce mode d'action publique dépend de la manière dont les acteurs locaux de la gestion de l'eau se saisissent de ces deux dimensions territoriales et nous appuyons la démonstration sur le cas empirique de la vallée de la Drôme. Au cours des trois dernières décennies, si l'action publique a été fortement territorialisée, elle a aussi été territorialisante : les différentes actions menées en vue d'améliorer l'état des ressources en eau ont permis une patrimonialisation de la rivière, le renforcement d'une territorialité à l'échelle du bassin versant, et au delà, la construction d'un projet de développement territorial nommé « Biovallée ». Si cette stratégie territoriale a permis de réelles avancées (rivière à nouveau baignable, institution unique de gestion de l'eau, etc.), l'efficacité environnementale des dispositifs locaux de gestion de l'eau reste relative (débit objectif non respecté) et surtout faiblement instruite. Cette expérience montre que le recours au territoire dans la mise en ½uvre de l'action publique au niveau local n'est pas seulement un moyen d'adaptation aux injonctions nationales ou européennes, il peut également jouer un rôle actif de transformation des formes et modalités de gestion de l'eau (comme argument, comme outils, comme réseau d'innovation). C'est dans la révélation et l'activation de ces ressorts territoriaux et dans les finalités qui leur sont données que le rôle de certains gestionnaires de l'eau s'avère déterminant de l'efficacité environnementale de l'action publique. En d'autres termes, le territoire de l'eau décrété par les pouvoirs publics (le bassin versant), même si les gestionnaires locaux travaillent à son appropriation et construisent un véritable territoire par l'eau (la Biovallée), ne se convertit pas nécessairement en territoire pour l'eau, c'est à dire garant des objectifs environnementaux.