La particularité floristique des forêts alluviales anciennes de Champagne-Ardenne a été mise en évidence par une étude réalisée lors du programme de recherche « Biodiversité et Gestion Forestière » (Berthelot et al., 2009). Il a été démontré que l’antécédent historique d’une forêt influence sa composition floristique. Ainsi, certaines espèces, dites de forêts anciennes, sont plus fréquentes dans les forêts dont l’état boisé n’a pas été interrompu depuis au moins 170 ans (Chevalier et al., 2009). Cette étude a aussi montré que les listes d’espèces de forêts anciennes nationale (Dupouey et al., 2002) et européenne (Hermy et al., 1999) demeurent pertinentes pour les vallées de Champagne. Les peupleraies ne peuvent être considérées comme des forêts anciennes car leur renouvellement compromet la stabilité de l’écosystème forestier. En France, les documents de référence qui permettent de statuer de l’ancienneté d’un massif forestier sont les cartes d’État-major, établies au début du XIXe siècle. Cependant, le déboisement, particulièrement présent dans les vallées (exploitation de carrière, développement de la populiculture...), met en péril l’existence de cet écosystème subnaturel Il convient alors d’améliorer nos connaissances sur les forêts anciennes, mais surtout de les localiser afin de les préserver et de les gérer de façon raisonnée. C’est pourquoi une étude pilote a été mise en place par le CRPF de Champagne-Ardenne sur deux secteurs alluviaux des vallées de la Marne et de la Seine. Le travail de cartographie a permis de tester deux méthodes de géoréférencement des cartes d’État-major et a abouti à la cartographie complète des forêts anciennes sur ces deux secteurs. L’étude de l’évolution des surfaces forestières depuis le XIXe siècle montre que, malgré des taux de boisement actuel et ancien équivalents, le territoire a été soumis à une dynamique importante. En effet, seulement 24 % des forêts alluviales actuelles sont anciennes. L’évolution de la taille des massifs forestiers met également en avant un morcellement des forêts alluviales ; on observe une disparition des grands massifs de plus de 50 hectares (42 % de la surface forestière totale au début du XIXe siècle, 10 % actuellement) et une augmentation des petits massifs de moins de 20 hectares (on passe de 38 % à 74 %). Les résultats de cette étude confirment l’intérêt patrimonial historique et écologique de ces forêts. Ils nous confortent dans la nécessité de les préserver, sans toutefois les mettre sous cloche en interdisant toute intervention sylvicole. En effet, de par la définition du statut d’ancienneté, préserver les forêts anciennes signifie seulement maintenir leur état boisé. Pourtant, cette notion de forêt ancienne est à ce jour trop peu connue et utilisée au sein du monde forestier. C’est pourquoi des outils de communication (dépliants informatifs) ont été réalisés à l’issue de cette étude, et des réunions publiques ont été organisées afin de sensibiliser les élus, les propriétaires forestiers et le grand public). La poursuite de la cartographie des forêts anciennes est actuellement à l’étude pour d’autres secteurs de la région Champagne-Ardenne afin de généraliser l’utilisation de cet outil en matière de politique de conservation et de gestion concertée des espaces naturels, notamment dans le cadre de la mise en oeuvre de la trame verte et bleue.