La biosurveillance chimique (mesure des contaminants dans le biote) est souvent proposée comme une alternative pertinente aux mesures directes dans l’eau, pour caractériser et suivre la contamination des systèmes aquatiques. En effet, le biote est une matrice intégratrice qui facilite la mesure des substances hydrophobes et qui est représentative de la fraction biodisponible. La biosurveillance chimique active, basée sur l’utilisation d’organismes encagés provenant d'un site de référence, permet le contrôle de plusieurs paramètres tels que le temps d'exposition, l'âge, la taille et le sexe des organismes échantillonnés, offrant ainsi des résultats robustes et comparables. Les approches actives sont bien développées dans le milieu marin (par exemple, le réseau Français RINBIO), mais beaucoup moins en milieu continental. Nous avons donc étudié la pertinence d'une approche de biosurveillance active pour le suivi chimique des eaux continentales pour les métaux et les substances organiques hydrophobes. L’amphipode Gammarus fossarum a été choisi comme organisme test pour sa pertinence écologique et également car il permet un contrôle aisé de plusieurs facteurs biotiques. Les gammares, prélevés sur un site connu et non contaminé, ont été transférés dans des cages sur 27 sites de la région Rhône-Alpes, au début de l'automne 2009. Les sites d'étude ont été sélectionnés pour représenter une large gamme de caractéristiques physico-chimiques, ainsi que divers types et intensités de pressions anthropiques. Pour éviter l'influence des facteurs biotiques, seuls des gammares mâles matures de même taille ont été exposés, et les gammares ont été nourris durant l’exposition. Après une semaine d'exposition, les concentrations de 11 métaux et de 38 substances organiques hydrophobes, dont certains appartiennent à la liste des substances prioritaires de la directive cadre sur l'eau (DCE), ont été mesurées dans les organismes. La grande majorité des substances a été quantifiée dans les gammares. Le protocole d’encagement proposé ici apparaît être un outil relativement simple pour la biosurveillance chimique des eaux continentales. Par ailleurs, afin d'améliorer la discrimination entre les sites soumis à une pression anthropique et les sites non contaminés, nous avons construit des valeurs seuils de contamination biodisponible dans les gammares. Ces seuils sont définis comme les valeurs de concentration, pour une substance donnée, au-dessus desquelles une concentration mesurée chez les gammares exposés peut être considérée comme significative d’une contamination d’origine anthropique. Deux modes de détermination de ces valeurs ont été étudiées, une approche statistique et un modèle cinétique. Les valeurs seuils ont été déterminées pour la quasi-totalité des substances étudiées ici. Les valeurs seuil définies à l'aide du modèle cinétique ont été comparées aux niveaux de contamination mesurés chez G. fossarum sur les 27 sites d’étude et les résultats globaux montrent une nette distinction entre les sites soumis à une pression anthropique et les sites non impactés.