En France, la biomasse forestière constitue aujourd’hui la principale source d’énergie renouvelable (ENR) avec deux principales finalités : la production de chaleur et la fourniture d’électricité. Conjugué à une absence de médiatisation qui contraste fortement avec la publicisation des difficultés rencontrées par d’autre ENR, tels que l’éolien ou le solaire, cette prééminence pourrait conduire à conclure que les technologies du bois-énergie (BE) sont maîtrisées et leurs déploiements « pacifiés ». Mais, cela serait ignorer certaines spécificités de la biomasse forestière. Le bois est une ressource lentement renouvelable, pas toujours accessible et quand elle l’est, souvent valorisée pas des filières. Par conséquent, si le BE est souvent considérée comme une nécessité pour atteindre les objectifs fixés et une opportunité pour le développement local ; mal calibré, son déploiement peut également déstabiliser des territoires et venir concurrencer d’autres usages économiques. L’objectif de cette note est d’analyser les modalités de développement du BE en Aquitaine ; région qui présente d’importants et variés « gisements » forestiers. Pour ce faire, nous empruntons au registre analytique des ressources territoriales en lui adjoignant les apports de l’approche sociotechnique. L’argumentation s’appuie sur un travail empirique décliné en deux volets. Le premier relève de la construction d’une base de données quantitative visant à identifier les projets existants (nombre, date de mise en service, consommation…) à l’échelle régionale. Le second tient à la conduite d’entretiens auprès de diverses parties prenantes (énergéticiens, forestiers, collectivités…) et à la recension de dispositifs cadrant (économiquement & réglementairement) la réalisation des projets. La première partie est consacrée à un état des lieux des dynamiques spatiales et temporelles du déploiement du bois énergie au niveau régional. Les résultats mettent en lumière une diversité des configurations qui ne tient pas uniquement à la présence de divers « gisements » forestiers et à la multiplicité des options technologiques offerts par le bois-énergie (cogénération, chaufferies dédiées, réseaux de chaleur…). La persistance de trajectoires différenciées, trente ans après les premières expériences, tend plutôt à souligner l’importance des héritages et des dynamiques collectives dans les processus d’activation, voire de spécification, des ressources. C’est à cette lecture territoriale que nous nous attachons dans une seconde partie en retraçant la composition et la trajectoire de différents assemblages « territoriaux ». L’analyse montre que malgré l’essor des logiques de standardisation, révélant une recherche d’optimisation économique et d’efficacité énergétique des projets, le bois-énergie n’est pas (encore) une énergie comme les autres.