La sociologie des promesses scientifiques s’est beaucoup attachée à analyser comment des "champions de la promesse" (Van Lente et Rip 1997), positionnés à l’interface entre communauté académique et décideurs politiques, ont formulé des promesses ouvrant un espace de positionnements, d’attentes et de débats constitutifs de la réalité sociale de ces promesses. Ces analyses ont porté en priorité sur l’exemple des sciences biomédicales et des nouvelles technologies. Cette contribution souhaite mettre l’accent sur la manière dont les promesses scientifiques sont réinterprétées, traduites en actes mais aussi constituées par les chercheurs. Elle vise à développer une réflexion sur le mode d’existence des promesses à l’échelle des chercheurs individuels. Pour saisir le couplage entre la formulation et la circulation des promesses et les pratiques de recherche, nous proposons de caractériser l’engagement épistémique des chercheurs défini comme leur positionnement (discursif et pratique) vis-à-vis des attentes formulées à l’encontre de leur travail en termes d’utilité, de pertinence, de responsabilité, etc. : il s’agit de l’engagement des chercheurs dans un certain régime de promesse scientifique. Avec cette notion d’engagement épistémique, il s’agit de souligner qu’il n’y a pas de coupure entre une arène sociale ou politique de positionnement vis-à-vis des promesses et une arène scientifique de développement du travail de recherche. Il s’agit aussi de souligner que les promesses scientifiques portées sur le devant de la scène par les "champions de la promesse" s’ancrent dans un travail réflexif plus discret sur les normes et les modèles professionnels dans le monde de la recherche, qui est coextensif du régime de "science stratégique".