Notre réflexion part d’un constat révélé par une enquête en cours sur la commune de Saint-Paul à La Réunion, ancienne colonie française esclavagiste, aujourd’hui département et région d’outre-mer. Saint-Paul est préservé des alizés, la contrepartie étant une très faible pluviométrie, la plus faible de l’île. Idéales pour le développement résidentiel et le touristique balnéaire, ces conditions sont moins favorables à l’agriculture. Pour y faire face, plusieurs dispositifs publics permettent a priori aux agriculteurs de se procurer de l’eau : un aménagement hydroagricole d’envergure (le transfert des eaux) et deux tarifications préférentielles du service communal d’eau potable (les branchements verts et le tarif agricole). Pourtant, plusieurs agriculteurs manifestant un besoin en eau pour irriguer leurs cultures maraichères ou abreuver leur troupeau ne bénéficient d’aucun de ces dispositifs, et certains n’ont même pas accès au réseau de distribution d’eau potable. Cet accès différencié à l’eau agricole est à interpréter comme une inégalité environnementale, c'est-à-dire une forme d’inégalité sociale non réductible à des facteurs sociaux dans la mesure où elle intègre les rapports pluriels des populations à leur environnement (Deldrève et Candau, 2014). Notre communication s’attache à montrer en quoi ce constat d’inégalité environnementale est la conséquence de plusieurs rapports de domination, dont certains s’appuient sur des processus discriminatoires. Nous nous plaçons pour cela dans le sillage analytique de Didier Fassin (2002) pour qui « la discrimination établit une sorte de chaînon manquant entre le racisme et l’inégalité » (ibid, p. 410).