Changement climatique dans les Alpes : comment préserver les alpages ? - INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement
Communication Dans Un Congrès Année : 2016

Climate change in Alps: how to manage the Alpine pastures?

Changement climatique dans les Alpes : comment préserver les alpages ?

Résumé

Ce diaporama porte sur la question du changement climatique en alpage et présente le projet Alpages Sentinelles. Les recherches sur le pastoralisme en alpage ont été un marqueur identitaire du CTGREF-INERM, devenu Cemagref puis Irstea à Grenoble. Elles ont porté (1) sur le domaine pastoral, oublié par les statistiques agricoles classiques, d’où les Enquêtes Pastorales réalisées avec l’appui scientifique d’Irstea, (2) sur les systèmes pastoraux, avec des études allant de la grande transhumance ovine de la Crau vers le Briançonnais aux pratiques pastorales et à l’organisation du travail dans les systèmes pratiquant la traite en alpage, (3) sur le comportement animal en alpage, (4) sur les équipements pastoraux, par exemple une recherche sur le gardiennage électronique des troupeaux, (5) sur les végétations d’alpage dont les potentialités fourragères étaient très mal connues : ces derniers travaux ont forgé des concepts comme les écofaciès sans perdre de vue la finalité de la gestion pastorale et se sont traduits par des guides techniques et aussi par l’organisation de stages de formation qui ont concerné plus de 250 techniciens pastoraux. Un alpage (on dirait estive au sud), ce sont des milieux d’altitude valorisés par un pâturage saisonnier. L’Enquête Pastorale de 2012/14 en a recensé plus de 3 000 sur le massif alpin. Ils sont utilisés par une diversité de systèmes pastoraux : en schématisant, on va de la ‘montagne à vaches’ des Savoie avec traite voire fabrication de fromages en alpage à des estives à brebis plus au sud. Ce sont des systèmes d’élevage locaux mais aussi transhumants voire grands transhumants, en gestion individuelle ou collective. Il existe un enchevêtrement d’enjeux sur les alpages : paysagers et patrimoniaux, biodiversité et environnement au sens large, mais aussi économiques et sociaux : les alpages sont la clé de voûte de très nombreux systèmes d’élevage près de 800 000 ovins, soit les ¾ du cheptel ovin des Alpes et de Provence, montent en alpage, près de 100 000 bovins, dont 25 000 vaches laitières, soit une vache laitière sur 5, montent aussi dans les alpages, qui sont le fleuron de fromages d’appellation réputés : beaufort, reblochon, Abondance . Au plan social, plus de 5 500 personnes travaillent en alpage dont 800 salariés. Ce sont donc tout à la fois des espaces de production, mais aussi multifonctionnels avec des enjeux environnementaux affirmés : on trouve ainsi des zones Natura 2000 ou des Réserves Naturelles dans plus d’un alpage sur trois. Mais ces milieux très riches sont aussi très fragiles et leurs évolutions peuvent être irréversibles. De nouveaux enjeux émergent en alpage avec le réchauffement climatique et la recrudescence, en fréquence et en intensité, des aléas climatiques. Une illustration de ces aléas et de leur variabilité : le mois de juillet 2015 a été marqué par la sécheresse et la canicule qui ont grillé la végétation, juillet 2014 a été très pluvieux (seulement 6 jours sans pluie en Maurienne !), juillet 2013 fait suite à un printemps très tardif (les animaux sont parfois montés alors que la neige n’avait pas encore fondu). Il y a des risques d’effets de seuils liés à ces aléas conduisant à des changements dans les végétations, du fait aussi des changements de pratiques pastorales. Les enjeux suivants se combinent à l’enjeu climatique et ont une influence déterminante sur les pratiques pastorales et les possibilités d’adaptation : (i) la prédation par le loup qui bouleverse les gestions pastorales et qui freine notamment l’accès aux couverts boisés, plus frais et plus résistants à la sécheresse, mais aussi plus difficiles à garder ; (ii) les transformations des systèmes d’élevage du fait de la réforme de la PAC, des contraintes d’organisation du travail,… La question est bien de savoir comment préserver une gestion durable des alpages qui garantisse viabilité et vivabilité des systèmes pastoraux et diversité des milieux. Ces considérations sont à la source du projet Alpages sentinelles, né dans les Écrins à la suite de sécheresses répétées après la canicule de 2003. Ce qui a été déterminant et original, c’est la volonté commune entre les éleveurs et le Parc national d’affronter ensemble cette question du changement climatique et d’affirmer une co-responsabilité face à cette problématique émergente dont certains effets étaient déjà tangibles. Le projet Alpages sentinelles s’appuie sur un réseau de 31 alpages répartis sur l’ensemble du massif et situés dans des Parcs nationaux ou des PNR. Il vise à comprendre et anticiper les dynamiques qui se nouent entre le climat, les milieux végétaux vus à la fois en tant que ressource pastorale et enjeu de biodiversité, les pratiques pastorales sans oublier, comme cela a souvent été fait antérieurement, les exploitations agricoles qui utilisent ces alpages et qui déterminent les ressorts de la gestion pastorale : ainsi 37 exploitations sont inscrites dans le réseau et sont suivies à ce titre. La démarche est également originale : en complément des travaux de recherche classiques d’analyse de données sur le temps long, elle vise à favoriser des apprentissages collectifs à partir de constats partagés sur le terrain lors de suivis annuels, que ce soit lors de tournées de fin d’estive, lors d’entretiens avec les éleveurs ou lors de journées d’échanges. Alpages sentinelles est à la fois le support de productions scientifiques notamment les thèses de Baptiste Nettier à Irstea et de Monica Corona Lozada au Laboratoire d’écologie alpine –, mais aussi de documents techniques pour l’appui à la gestion pastorale : en particulier, à paraître d’ici un an, de nouveaux référentiels pastoraux sur les végétations d’alpage intégrant leur sensibilité à la variabilité climatique et les marges d’ajustement de leurs fonctions pastorales et un guide méthodologique pour évaluer l’exposition et la sensibilité d’un alpage aux risques climatiques. Mais le principal résultat d’Alpages sentinelles réside peut-être bien dans la constitution de collectifs de travail associant, dans chaque territoire-Parc, éleveurs, bergers, techniciens pastoraux et agricoles, gestionnaires d’espaces protégés avec l’appui de chercheurs (agronomes, écologues, climatologues, sociologues). Enfin, ce programme fait des émules et suscite des réflexions et initiatives ailleurs, dans le Parc naturel du Haut-Jura, dans les Pyrénées et dans les Alpes italiennes.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-02604671 , version 1 (16-05-2020)

Identifiants

Citer

Laurent Dobremez. Changement climatique dans les Alpes : comment préserver les alpages ?. Colloque "Entre Homme et Nature, quelle gestion durable pour la montagne de demain ?", Sep 2016, Grenoble, France. pp.8. ⟨hal-02604671⟩

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