Territorial inequalities: Towards an analysis of residential migration influence on income dynamics and socio-demographic changes
Inégalités territoriales : vers une analyse de l'influence de la migration résidentielle sur les dynamiques de revenus et les changements socio-démographiques
Résumé
Depuis la fin des années 1970, on assiste, notamment en France, à une inversion des flux migratoires, longtemps marqués par un exode rural. Certains espaces ruraux bénéficient d’un regain démographique en raison des dynamiques d’étalement urbain et d’extension d’espaces intermédiaires périurbains (Hilal, Schaeffer et Détang-Dessendre, 2013) mais aussi de la recherche croissante d’aménités rurales (espace, paysage, calme…) par les ménages (Barcus, 2004). Entre 1990 et 1999 près de la moitié des communes rurales connaissent ainsi des soldes migratoires positifs. Cependant, ces mouvements de la population sont très diversifiés et touchent de façon inégale les différentes parties du territoire (Hilal et al, 2011). Parallèlement, on assiste à un accroissement des inégalités territoriales (France stratégie, 2016) entre les régions mais aussi entre les différents types d’espaces ruraux, jouant en faveur des espaces périurbains (Observatoire des inégalités, 2014). Les différents travaux en économie, et plus largement en sciences régionales, ont mis en évidence l’existence de deux grands types de déterminants géographiques dans la migration et le choix de localisation des ménages : l’emploi et les aménités, ces dernières favorisant certains espaces ruraux (Knapp et Graves, 1989 ; Greenwood et Hunt, 1989). Plus récemment, d’autres travaux ont également mis en évidence l’importance du capital social et de l’attachement au territoire sur la mobilité résidentielle des ménages (David et al., 2010). Par ailleurs, l’influence de ces différents facteurs sur le choix de localisation des ménages dépend fortement de leurs caractéristiques, et notamment de leur catégorie socio-professionnelle (CSP) (Greenwood, 1985). Comme les différents groupes de la population ne valorisent pas les mêmes caractéristiques des territoires, les flux migratoires risquent ainsi de conduire à l’émergence, si ce n’est au renforcement, d’une ségrégation sociale dans les espaces ruraux. Si certains travaux sur la migration appréhendent la différenciation sociale des flux migratoires, ils s’intéressent rarement à l’impact de ces flux sur la composition sociodémographique des espaces de destination et à leur contribution à la ségrégation dans l’espace rural (Simard, 2011). A ce jour, les travaux sur la ségrégation socio-économique et ses déterminants portent quasi-exclusivement sur les espaces urbains. Peu de travaux scientifiques cherchent à identifier, analyser et comprendre le phénomène de ségrégation sociale à l’½uvre dans les espaces ruraux et ce, alors même qu’existe une importante littérature sur les choix de localisation résidentielle et la mobilité résidentielle vers les espaces ruraux et périurbains (LeRoy et Sonstelie, 1983 ; Brueckner et al. , 1999 ; Schaeffer et al., 2016). L’objectif de cette communication est de contribuer à la connaissance du processus de ségrégation sociale dans les espaces ruraux, en s’interrogeant sur le lien entre mobilité résidentielle et phénomène de gentrification/paupérisation des espaces ruraux. Elle cherche à répondre aux deux questions de recherche suivantes : Q1 : Assiste-t-on à un phénomène de différenciation socio-économique croissante des espaces ruraux, qui se traduirait par une paupérisation de certains espaces et une gentrification d’autres espaces? Q2 : Comment les mobilités résidentielles influent-elles sur les processus de paupérisation / gentrification des espaces ruraux ? Contribuent-elles à une augmentation de la mixité sociale dans les espaces ruraux ou, au contraire, à une ségrégation socio-spatiale accrue ? Il s’agira, à travers une analyse statistique descriptive et une analyse cartographique réalisées à l’échelle des bassins de vie, de décrire le processus de ségrégation socio-spatiale des espaces ruraux. Dans un premier temps, nous passerons en revue la littérature sur les approches statistiques de la paupérisation / gentrification (notamment dans les espaces ruraux). Cela nous permettra d’identifier un ensemble d’indicateurs, que nous mobiliserons ensuite pour identifier empiriquement les territoires ruraux marqués par un processus de paupérisation de la population et ceux qui se gentrifient. Pour cela, nous exploiterons des données issues de la base sur les revenus fiscaux localisés des ménages sur la période 2001 – 2011 et de la base Filosofi sur les années 2012 et 2013. Cette phase d’identification des territoires ruraux gentrifiés / paupérisés donnera lieu ensuite à une caractérisation socio-économique de ces territoires à partir de statistiques issues de bases de données nationales d’une part et à une première analyse statistique du lien entre dynamiques migratoires et paupérisation / gentrification des territoires ruraux d’autre part. Pour ce faire, nous chercherons, à partir de données extraites des exploitations complémentaires des recensements généraux de la population, à analyser les caractéristiques des flux migratoires (ex : catégorie socio-professionnelle, diplôme, condition d’emploi…) à destination des espaces ruraux qui se gentrifient et de ceux qui se paupérisent. Cette analyse statistique visera donc à tester s’il existe une corrélation entre ces phénomènes.