« Si nous imaginions le devenir des cours d'eau, ils ressembleraient... » sans nul doute à une infinité de possibilités. Il existe autant de représentations concernant le devenir des cours d'eau que d'individus, chacun étant influencé par son histoire, ses pratiques, ses connaissances. Pourtant, la gestion des écosystèmes fluviaux suppose de définir une ligne d'action et de s'abstraire de cette multiplicité des représentations. Elle suppose de s'affranchir de la complexité et de faire des choix. Ceux-ci questionnent au plus haut point la gouvernance de l'eau : qui est le plus à même de proposer des choix judicieux pour proposer et décider des orientations et actions pour le devenir des cours d'eau et des sociétés qui leur sont liées ? Cette communication se propose de réfléchir à cette question à travers le cas des espèces invasives qui colonisent les corridors fluviaux et notamment, celui des renouées asiatiques. La gestion des espèces invasives représente actuellement un enjeu prioritaire pour les acteurs de l'eau, qui en font l'une des principales modalités d'action en faveur de la préservation de la biodiversité des écosystèmes fluviaux. Or, les choix de gestion soulèvent d'importantes questions : quelles espèces sont perçues comme « nuisibles » ? Comment agir efficacement ? Et même, doit on agir ? Le faible recul de connaissances disponibles quant aux invasions biologiques et à leurs impacts sur le long terme suppose que ces choix de gestion soient effectués dans un contexte de grande incertitude. Or, on sait que les contextes d'incertitudes sont aussi ceux qui induisent chez les acteurs les représentations les plus diverses. Cette communication n'a pas pour but d'entrer dans le débat de la controverse concernant l'action à mettre en oeuvre. Elle vise à présenter la diversité des représentations à l'égard des renouées et de leur gestion et à discuter la manière dont elle interroge la gouvernance de l'eau. Cette communication s'appuie sur les résultats de deux enquêtes par questionnaire menées auprès d'habitants et de gestionnaires (projet Renouessance12 et projet Dynarp3). Ces enquêtes, menées entre 2012 et 2016 se sont attachées à qualifier les perceptions et les représentations des renouées asiatiques par des habitants riverains du fleuve Rhône (136 personnes vivant dans la commune de Vernaison), des gestionnaires de cours d'eau (n=55), des gestionnaires de routes (n=103) et des gestionnaires de voies ferrées (15) exerçant en France. Les données présentées s'appuient également sur un travail de cartographie des renouées par télédétection réalisé dans le cadre du projet Dynarp. Les résultats de ce travail pointent une très grande diversité de perceptions et de représentations des renouées asiatiques en France et de la gestion à mettre en oeuvre à leur égard. Ces différences sont induites fortement par la connaissance de la plante et la capacité des individus à l'identifier. Les résultats montrent que d'autres facteurs sont également impliqués dans l'hétérogénéité des perceptions et des représentations, en particulier les cultures professionnelles. Ces résultats traduisent l'existence de logiques de réseau dans la diffusion des représentations des espèces invasives. Ils invitent à une relativisation de la posture de l'expert et ce faisant, à réfléchir aux cercles d'acteurs légitimes de la gouvernance de l'eau. Enfin, les résultats mettent en évidence l'existence de ruptures territoriales fortes, induites par la géographie de l'invasion, mais aussi et surtout par des questions d'ordre juridiques liées à la propriété foncière. Au sein d'un territoire, la prise en compte de cette mosaïque de propriétés (et derrière, bien sûr, des propriétaires, de leurs perceptions et représentations de la plante) paraît être une clé de la gestion de la plante et plus largement des écosystèmes fluviaux. Cette complexité territoriale donne des pistes éclairantes pour la (re)configuration de la gouvernance de l'eau.