Towards a framework for analyzing innovations in property-use relations in agriculture
Vers un cadre d'analyse des innovations dans les relations propriété-usage en agriculture
Résumé
Les relations propriété-usage pèsent fortement sur l'activité agricole : elles impactent les pratiques et les systèmes de production et renvoient plus généralement à des enjeux majeurs tels que la gouvernance alimentaire, la justice sociale ou la transition écologique. Dans un contexte de changement, l'innovation est généralement perçue comme une réponse à des besoins nouveaux et spécifiques ou à un problème donné. Comment identifier ce qui relève de l'innovation dans les relations propriété-usage ? Qu'est-ce que la notion d'innovation permet d'éclairer sur cette relation dans un contexte de changement ? Comment chacune des dimensions de l'innovation s'applique aux relations usage-propriété ? Comment permettent-elles d'identifier puis de caractériser l'innovation foncière ? L'objectif de notre communication est de proposer une grille analytique pour appréhender les innovations foncières au prisme des relations propriété-usages et de leur diversité. Sur la base d'une revue de littérature autour de la notion, la démarche consiste à croiser les dimensions de l'innovation et les connaissances empiriques relatives aux nouvelles relations usage-propriété. Par articulation entre propriété et usage, nous entendons la relation socio-économique et juridique (au sens strict) qui relie le détenteur du droit de propriété d'une part, au détenteur du droit d'usage d'autre part. Dans la France rurale du début du XXème siècle, la propriété était très majoritairement paysanne et l'activité agricole considérée comme le droit naturel du propriétaire à exploiter son bien. Avec les évolutions démographiques et sociétales, patrimoine et activité agricole se sont progressivement dissociés, sous l'effet de dynamiques croisées d'éclatement de la propriété et de concentration des exploitations agricoles. Faire valoir direct et fermage sont devenus le cadre juridique de l'assise foncière des exploitations. Le développement des formes « entrepreneuriales » d'exploitations comme celui des formes sociétaires de propriété ont accéléré le processus de dissociation entre propriété et usage. Aujourd'hui, de nouvelles dynamiques re-questionnent la relation entre propriété et usage de l'espace agricole. Ainsi, on assiste à l'émergence de nouvelles formes de mise à disposition publique et/ou collective du foncier liées à la réappropriation des questions agricoles par la société (ex : fermes intercommunales, Terre de liens). D'un autre côté l'hypothétique financiarisation des marchés fonciers agricoles français en devenir engendrerait le positionnement actuel d'apporteurs de capitaux privés. Quels que soient le domaine d'application de l'innovation (agronomie, développement des territoires, environnement, etc.), les façons de saisir la notion (économie, sociologie, analyses réseaux) ou encore l'entrée d'analyse (quoi, pourquoi, comment, quels effets), il apparaît que trois principales dimensions de l'innovation sont partagées pour permettre d'en dresser les contours : un nouveau produit ou un renouvellement organisationnel; un changement qui se pose en rupture ou de façon incrémentale par rapport à une situation antérieure, au contexte; un changement qui répond à un enjeu, à un besoin nouveau ou à une situation de crise. De premières intuitions se dégagent au croisement de ces trois dimensions d'analyse de l'innovation sociale, aux initiatives foncières ayant trait à la relation propriété-usage. Ainsi, la première dimension semble a priori pertinente dans la mesure où elle se révèle discriminante, et correspond à de premières observations empiriques : certaines initiatives foncières en émergence peuvent apporter un nouveau produit tel qu'une forme juridique ou un cadre de gestion. Elles peuvent s'appuyer sur une organisation nouvelle, avec la présence de nouveaux acteurs, l'attribution de nouveaux rôles, l'apparition de coordinations nouvelles par leur forme et leur périmètre ou l'attribution de nouveaux usages à des outils déjà existants. La seconde dimension, qui relève d'une dimension temporelle, est difficilement discriminante de l'innovation foncière. En effet chaque innovation s'inscrit dans le temps à une échelle qui lui est spécifique en fonction de sa portée (ex : droit vs expérience locale). La troisième dimension identifie l'innovation comme répondant à un nouvel enjeu ou à une crise. Cette dimension semble a priori peu discriminante étant donné que les expériences en émergence semblent répondre à de grands enjeux communs et transversaux. Mais au-delà de l'identification de l'innovation, cette dimension doit permettre l'analyse de ses facteurs d'émergence ainsi que de ses effets sur le territoire et la gouvernance. Notre communication présentera les résultats de la mise à l'épreuve de ces premières intuitions, en les nuançant ou en les réfutant.