Tensions between permanence and innovation in territorial intelligence. The case of a Territorial Food Project in Auvergne
Tensions entre permanences et innovations dans l'intelligence territoriale.Le cas du Projet Alimentaire Territorial fédérant le Grand Clermont et le PNR Livradois-Forez
Résumé
Notre proposition s'inscrit dans l'Axe de réflexion 2 : Vivre ensemble : quelles expérimentations ? De la fabrique de la ville par « coopétition » ? Elle propose de s'arrêter à la mise en place des Projets Alimentaires Territoriaux français (PAT), vus comme des innovations relevant de l'intelligence territoriale : « Prévus dans la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 (Art 39), les projets alimentaires territoriaux s'appuient sur un diagnostic partagé faisant un état des lieux de la production agricole et alimentaire locale, du besoin alimentaire du bassin de vie et identifiant les atouts et contraintes socio-économiques et environnementales du territoire ». Élaborés de manière concertée par des acteurs d'un territoire qui en ont porté l'initiative, les PATs visent à donner un cadre stratégique aux actions liées répondant aux enjeux de l'alimentation pris au sens large : environnementaux, économiques et de santé. Les PATs prennent ainsi figure d'instrument intégrateur et structurant de l'intelligence territoriale. Les porteurs de PAT déposent leur dossier de candidature auprès de la Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) de sa région et un bureau d'étude est mandaté pour réaliser le PAT. Nous nous intéresserons en particulier au cas du projet de PAT proposé par le Pôle d'Equilibre Territorial et Rural (PETR) du Grand Clermont conjointement avec le PNR à Livradois-Forez et le Réseau Agricole Livradois-Forez. Dans ses objectifs, ce PAT s'affiche dans une perspective de transition alimentaire, innovant à plusieurs titres : par l'échelle (deux territoires fédérés, l'un urbain, l'autre rural), par la diversité des acteurs (citoyens engagés, pouvoirs publics, acteurs économiques), par l'amplitude des objectifs associés au thème de l'alimentation (économie, santé, environnement, culture, etc.). Il s'agit donc a priori d'une démarche innovante reposant sur, et facteur de, l'intelligence collective (Bertacchini et al., 2006 ; Girardot, 2004). Quels mécanismes permettent aux acteurs de terrain de s'approprier les innovations censées être inhérentes à la mise en place d'un PAT ? Le processus participatif tel que conçu permettra-t-il de répondre aux défis de l'innovation, d'assurer les principes de l'intelligence collective et l'inclusion des différentes partie-prenantes de l'alimentation ? Notre analyse repose sur deux postures. Tout d'abord, il s'agit de réaliser l'étude des documents de projets : le projet déposé par les maîtres d'ouvrage (PETR + PNR) et la réponse du maître d'oeuvre (un bureau d'études). Il s'agit de faire une première analyse critique de la méthodologie proposée par le comité technique. Par ailleurs, l'analyse bénéficie de la participation même des chercheurs : les maîtres d'ouvrage du PAT et les chercheurs sont inscrits dans un même programme de recherche-action PSDR (Pour et Sur le Développement Régional) intitulé INVENTER " Inventons nos territoires de demain. Les résultats seront discutés autour de trois axes qui ne sont pas exhaustifs de l'analyse critique de la méthodologie mais qui nous permettent de démontrer que nous sommes dans le cas d'un processus plus proche de l'innovation organisationnelle incrémentale que radicale. Dans un premier temps, nous proposons de réfléchir aux rôles attribués dans le temps aux partenaires : qui se saisit à proprement parler de la problématique, des enjeux ? Qui prend les décisions ? Est-on véritablement dans un processus participatif ou dans une démarche qui reste top-down ? Dans un second temps, nous aborderons la question du choix des acteurs dans le processus participatif : qui sont les acteurs retenus pour participer et se saisir, à terme, de la problématique et être force de proposition de solutions et d'actions fédératrices ? La méthodologie proposée permet-elle l'inclusion de l'ensemble des acteurs experts et au pouvoir d'action et d'engagement ? Enfin, nous donnerons à voir les méthodes sur lesquelles repose la réflexion collégiale en matière de diagnostic et de prospective, qui mettent au centre des données froides, des modèles et l'adaptation de scenarii, montrant ainsi une confiance dans la donnée quantitative plus qu'en le savoir profane et l'expertise locale, interrogeant de fait le rôle des acteurs dans la participation et la forme même de la participation. En conclusion, nous reviendrons sur la tension qui semble s'opérer dans le processus participatif entre innovation et permanence (dépendance au sentier). Dans quelle mesure est-il possible et souhaitable de faire de l'innovation radicale compte-tenu du déséquilibre (économique, démographique?) entre partenaires urbain et rural, et des impératifs légaux et temporels ? Aussi, même si la base ?scientifique' et la composante top-down semblent discutables dans un tel processus participatifs, elles assurent peut-être une ?efficacité' du processus. L'enjeu du choix des acteurs participant est sans doute plus crucial. En effet, c'est la capacité des acteurs à s'engager dans le temps du processus et au-del qui assurera la réussite du projet, car le renforcement de la capacité d'action des acteurs s'inscrit assurément dans le temps long.