La mise en place de la politique de subvention alimentaire en Tunisie répond à une multitude d'objectifs agissant à différents niveaux économiques et sociaux. Tout d'abord, garantir un prix stable et rémunérateur aux producteurs pour lutter contre l'exode rural et assurer un minimum d'approvisionnement local ; garantir ensuite des prix faibles et stables à l'ensemble de la population tunisienne sans discrimination de manière à assurer un niveau nutritionnel suffisant et une stabilité sociale ; et enfin lutter contre l'inflation et maintenir de bas salaires afin de permettre une meilleure compétitivité extérieure. Ces objectifs qui dépassent largement le cadre strict de la politique céréalière ont pu être réalisés grâce à un fort interventionnisme étatique. Cette politique d'intervention publique sur les prix, parce qu'elle perturbe la concurrence, génère des rentes. Sous-produits de l'intervention publique, celles-ci sont considérées comme une distorsion ou un sur-profit dans le cadre classique de l'économie du bien-être. En revanche, parce qu'elles ont des conséquences sur le bien-être des groupes sociaux, la "Nouvelle Economie Politique" les envisage comme une ressource politique. Les rentes peuvent être utilisées par le gouvernement à des fins redistributives (répartition du revenu) et conditionner ainsi l'attitude des groupes sociaux vis-à-vis des pouvoirs publics. C'est pourquoi l'auteur fait l'hypothèse que s'intéresser aux mécanismes d'offre et de demande de ces rentes (marché politique de la rente) permet de mieux appréhender les difficultés de réforme de la politique de subvention à la consommation alimentaire.