Si, dans son acceptation la plus large, le concept de laïcité signifie le refus par l'Etat d'être assujetti à quelque Eglise et à quelque dogme que ce soit, on peut considérer qu'il trouve son origine dans la vision du monde propre à la modernité occidentale qui affirme, en même temps que l'autonomie du sujet, sa faillibilité. Dans une première partie, l'article s'attache à montrer en quoi l'autonomie et la faillibilité sont les principes dont se réclame le libéralisme classique depuis sa constitution progressive à partir du 16e siècle. Une deuxième partie met en évidence comment les Etats-nations démocratiques, depuis la fin du 18e siècle, les mettent en oeuvre tout en les infléchissant. Dans une troisième et dernière partie, il s'efforce d'expliquer pourquoi les démocraties libérales respectueuses des principes et règles de la laïcité ne peuvent, et paradoxalement, assurer la cohésion du lien social qu'en acceptant de déroger en partie à ceux-ci. D'abord en affirmant que tout n'est pas discutable et que toutes les opinions ne se valent pas ; ensuite, en s'autorisant à prendre la forme de l'idéologie, avec la part de dogmatisation et de sacralisation du discours, et de la pratique que cela implique.