Ce texte d'une conférence prononcée devant les membres de l'Association Marc Bloch le 9 février 1996 propose une nouvelle lecture de deux ouvrages de Marc Bloch : "L'étrange défaite" et "Apologie pour l'histoire". Insistant sur la proximité de leur rédaction (certaines anecdotes sont reprises dans les deux textes), l'auteur souligne la parenté entre la curiosité historienne de Marc Bloch et l'observation ethnographique. Dans "L'étrange défaite", l'historien s'est fait ethnographe et sociologue de l'armée française en déroute ; la critique historique du témoignage l'a amené à une auto-analyse qu'il nomme "présentation du témoin" (avec quels yeux j'ai vu ce que j'ai vu). Dans "Apologie pour l'histoire", la question de l'anachronisme (liée à la nomenclature) apparaît comme l'analogue de la question de l'ethnocentrisme (faut-il utiliser les mots indigènes ou les mots de l'observateur). Une telle parenté ne devrait pas nous surprendre : l'un des fondateurs de l'ethnologie de la France, Marcel Maget, a effectué ses premières enquêtes sous la direction de Lucien Febvre : c'est bien l'école des Annales qui a servi de pont entre la sociologie durkheimienne et l'ethnographie dite alors métropolitaine.