Résistance génétique à l'entérite chez la truite ? Interaction avec la flavobactériose et les caractères de production
Résumé
L’entérite est une maladie bactérienne pouvant induire des mortalités importantes durant le période estivale, surtout en production de grande truite. Une des principales causes proposées est la substitution par le tourteau de soja qui aurait un effet abrasif sur le tube digestif. L’entérite est principalement combattue par une réduction drastique du taux d’alimentation durant la période estivale, des traitements antibiotiques et de nouvelles formulations d’aliments tentant de limiter les atteintes à la muqueuse intestinale. Les mortalités n’étant pas totales, Bretagne Truite a recherché dans le cadre du projet RE-SIST l’existence d’une variabilité génétique sélectionnable ainsi que les éventuelles corrélations génétiques avec la résistance à la flavobactériose et avec les performances de croissance et les rendements de découpe.
600 familles ont été créées en novembre 2013 par croisement de 98 mères avec 99 néomâles. Deux lots de 2000 sujets chacun ont été respectivement soumis à des challenges naturels en pisciculture (printemps 2014) et à l’entérite (été 2014 et début d’été 2015) à la pisciculture de Keryas. Un 3ème lot de 2000 a été abattu au poids commercial (atelier Bretagne Truite, Plouigneau) pour mesurer performances de croissance, de rendement de découpe et de teneur en lipides de la chair (Torry Fish Fat Meter). Le 2ème et le 3ème lot ont été nourris avec un aliment commercial (Skretting Omega HE A25SF). Les animaux ont été assignés à leurs parents par génotypage de marqueurs microsatellites.
La mortalité par flavobactériose a été de 84.3 % et celle par entérite de 23.2 %. Les héritabilités de ces deux caractères sont estimées à 0,31 ± 0,04 et 0.42 ± 0.04 et la corrélation génétique à 0.01 ± 0,11. Les héritabilités du poids à l’abattage et des caractères qualitatifs sont estimées entre 0.24 ± 0,04 et 0.54 ± 0,05 La résistance à la flavobactériose présente une corrélation génétique positive avec le poids (0.25 ± 0,09) contrairement la résistance à l’entérite (rA= -0.35 ± 0,10). La résistance à ces pathologies est globalement indépendante des caractères de découpe ou de teneur en lipides des filets.
La résistance à l’entérite est héritable (0.42) mais corrélée négativement avec la croissance de façon suffisamment limitée (-0.35) permettant d’envisager une sélection conjointe. Ces résultats permettent d’avancer que le risque associé à la substitution par le soja est d’autant plus important que l’ingéré est augmenté par l’utilisation de génotypes à plus forte croissance. La sélection de sujets plus résistants à l’entérite sur une alimentation plus substituée pourrait permettre de sélectionner de futurs génotypes moins sensibles au tourteau de soja et donc de réduire les pertes de productivité liées à la sous-exploitation actuelle du potentiel de croissance. Enfin, la corrélation nulle avec la sensibilité à la flavobactériose montre que l’amélioration de la résistance combinée à ces deux pathogènes est possible.