Les enquêtes publiques (EP) ouvertes lors d'implantations, de régulations ou d'extensions d'élevages porcins sont de plus en plus conflictuelles. Ces conflits peuvent même retarder, voire remettre en cause le projet des éleveurs. Or, d'après les prescriptions de la procédure, comme selon une perception répandue dans le public, les éleveurs semblent absents lors des enquêtes. Les auteurs vont à l'encontre de cette opinion et formulent l'hypothèse que l'EP est constitutive du travail de l'éleveur. Plus précisément, ils s'interrogent sur l'influence des enquêtes publiques sur le travail des éleveurs qui y ont été soumis, en s'appuyant sur la notion d'expérience du travail, qui distingue l'expérience immédiate, l'épreuve, de l'expérience acquise. Pour tester l'hypothèse, les auteurs se sont entretenus avec des éleveurs, en visant à leur faire produire des récits de leurs EP retraçant leur vécu. Alimentés et cadrés par des documents écrits émanant des dossiers d'autorisation concernés, ces récits permettent de construire ce que peut être le travail d'EP du point de vue de l'éleveur. L'analyse souligne dans un premier temps les limites de la dimension prescriptive de l'EP pour rendre compte du travail réel de l'éleveur. Elle montre ensuite la dimension éprouvante de l'expérience immédiate du travail d'EP, puis la construction, dans un cadre plus vaste, temporel et collectif, "d'une" expérience d'EP. Elle s'interroge au final sur l'influence de ces expériences du travail sur l'identité des éleveurs.