Si la prise en compte des douleurs animales en élevage est aujourd’hui un enjeu fort de son acceptabilité sociale, elle constitue aussi un « indicateur prégnant » de sa bonne gestion par l’éleveur en mixant les deux indicateurs majeurs que sont la Santé et la Productivité dans l’élevage des animaux avec celui tout aussi central de la bonne relation de l’éleveur avec ses animaux. Mais la prise en charge des douleurs animales (comme pendant longtemps celles des douleurs humaines) constitue un impensé dans l’élevage. La prendre véritablement en charge questionne le poids des routines d’élevage établies, mais aussi celle des pratiques vétérinaires et, le cas échéant, celle des techniciens d’élevage. Au-delà des différences de personnalités et d’implication dans la gestion des alertes en élevage, la sensibilité aux douleurs animales valorise le caractère animalier des éleveurs qui devient central dans la détection, l’évaluation et la prise en charge de la douleur, car il conditionne l’attitude du vétérinaire et du technicien à cet égard. Cette introspection de l’animal dans sa trajectoire de vie et par un diagnostic plus individualisé nous apparaît concomitante d’une évolution potentielle de la médecine vétérinaire. Quant au conseil en élevage, il suppose la capacité de lire les indicateurs de performance de l’élevage au regard du comportement des animaux qu’ils sont à même de comparer et de réévaluer d’un élevage à l’autre. L’animal acquiert alors un rôle premier par sa capacité de traduire par son comportement les dysfonctionnements rencontrés dans l’élevage sous réserve que se développent chez les éleveurs, les techniciens et les vétérinaires les compétences d’observation des animaux appropriées. Cette prise en compte de l’animal, non comme un simple objet, mais comme un véritable acteur de l’élevage, doit alors permettre un meilleur équilibre des coûts-bénéfices tant pour l’homme que l’animal, sur un plan économique, sanitaire et éthique. Elle signe en quelque sorte le passage d’un élevage productiviste et intensif vers un élevage, plus économe en intrants et plus autonome pour l’animal, susceptible de répondre aux injonctions croissantes en termes de bien-être et de santé animale.