Effets débilitants d'un nouvel insecticide avec rechute sévère plusieurs jours après exposition - Perturbation de l'homéostasie calcique neuromusculaire des abeilles et effets topiques différentiels.
Résumé
la commission Européenne a approuvé l'utilisation du chlorantraniliprole, premier insecticide de la classe des diamides anthraniliques, en dépit les lacunes soulevées par l'EFSA dans le "projet de rapport d'évaluation" (DAR) concernant ses effets potentiels sur les pollinisateurs. Le couplage des approches in vitro et des approches comportementales permet aujourd'hui de combler en partie ces lacunes. Nous avons montré que le chlorantraniliprole induisait l'ouverture anarchique des canaux ioniques (les récepteurs à la ryanodine, RyR), qui sont responsables de la libération de calcium dans le cytoplasme des cellules musculaires d'abeille, provoquant ainsi leur contraction. Il pbloque également les flux calciques aux travers des canaux calciques voltage-dépendant membranaires (CaV) responsables de l'activité électrique des cellules musculaires et des neurones. Après exposition à une dose sublétale aigüe (dose unique appliquée de manière topique sur le thorax dorsal), il induit des effets débilitants qui se traduisent notamment par des déficits locomoteurs durables (plus de 24h). Malgré une relative rémission à 48h, les abeilles présentent les signes d'une rechute sévère 7 jours après exposition. La dose qui était sublétale par contact sur le thorax produit toutefois une forte mortalité sur d'autres parties du corps, posant la question de la validité des tests OCDE classiques pour évaluer cette nouvelle classe d'insecticides. Cette molécule est déjà très largement utilisée en France ainsi que l'attestent le statistiques de ventes de substances actives insecticides/acaricides. En 2016, le chlorantraniliprole a été vendu à hauteur de ~18 tonnes, ce qui était respectivement ~1.7, 2, 3 et 7 fois plus que la pymetrozine, l'indoxacarbe, le fenoxycarbe et l'emamectine (blockbusters des familles des pyridines, oxadiazines, carbamates et avermectines). Il était également vendu respectivement ~15, 10 et 9 fois moins que l'imidaclopride, la cyperméthrine et le chlorpyriphos-ethyl (blockbusters des insecticides néonicotinoïdes, pyréthrinoïdes et organophosphorés). A la lumière de nos résultats, les conséquences de l'exposition à cette molécule devront faire l'objet de la plus grande "phytopharmacovigilance". L'anticipation des symptômes sublétaux par des méthodes de toxicologie in vitro devrait dans le futur contribuer à éviter une identification trop tardive des effets non-intentionnels