Les interactions Élevage et Territoire dans la mise en mouvement de l'intensification écologique
Résumé
Le projet Mouve a pour objectif de produire des connaissances sur les formes et les conditions d’une intensification écologique (IE) de l’élevage d’herbivores dans des territoires relevant de régions dans lesquelles le message d’intensification technique des Trente Glorieuses n’avait eu qu’un impact limité. Il considère l’élevage et le territoire comme des entités en interaction i) en faisant l’hypothèse que la dimension « territoriale » implique de considérer une diversité de points de vue d’acteurs hétérogènes concernés localement par l’élevage, lesquels formulent des attentes portant sur des dimensions variées de l’activité d’élevage, des ressources qu’il mobilise, des produits et circuits commerciaux qu’elle fournit, des services écosystémiques cibles ; ii) en tenant compte des dynamiques des politiques publiques (avec plus de considération pour le marché et pour l’environnement) et les changements dans l’ancrage territorial des filières. Cette recherche combine ainsi une approche du territoire à la fois espace et ensemble d’acteurs « en attente vis-à-vis de l’élevage » avec qui se discutent des scénarios d’avenir ; des dimensions environnementales des actions collectives portant sur les produits animaux ; des dynamiques des systèmes famille – exploitation ; des tensions portant sur métier d’éleveur, leur rapport à la nature et au pâturage ; des dynamiques des filières et des politiques publiques ; et une exploration des services écosystémiques liés aux ressources prairiales. L’approche est interdisciplinaire (sc. agronomiques, écologie, sc. sociales) et comparative : huit territoires relevant de régions dans lesquelles le message d’intensification technique des Trente Glorieuses n’avait eu qu’un impact limité, constituent la base de comparaison : France (4 milieux montagnards), Uruguay (Pampa), Brésil (Amazonie), Sénégal (Ferlo) et Maroc (Arganeraie). Les attentes des acteurs vis-à-vis de l’élevage questionnent tour à tour : i) les modèles de production (le modèle dominant ou des modèles alternatifs), ii) les agencements spatiaux à l’échelle de territoires et la préservation des écosystèmes, iii) la pérennité des exploitations. Les formes d’IE de l’élevage sont variées selon quelles focalisent sur l’une ou l’autre des attentes des acteurs et selon la place et les formes d’expression que prennent les actions collectives et les filières dans les processus de reterritorialisation des systèmes alimentaires. Il n’y a plus dans les territoires étudiés, un seul lieu de gouvernance qui détiendrait la capacité à penser globalement la gestion de l’espace pour améliorer les relations production/environnement ou mobiliserait la notion d’IE très peu usitée. Les controverses entre acteurs sont fréquentes : l’élevage qui convient fait débat. Les questions environnementales mais aussi les pressions à la productivité sont des épreuves identitaires pour les éleveurs dans ces milieux largement pastoraux. Référence du formulaire : ANR-FORM-090601-01-01 6/43 L’intensification n’est pas absente : elle est même un processus présent dans nos terrains, longtemps restés en marge des orientations de développement classiques. Le concept d’IE questionne alors les moyens de cette intensification notamment le rapport aux ressources naturelles. Il contribue ainsi à réinterroger les modèles de production dominants et à réinvestir le champ technique par la recherche. Mais il s’efface derrière d’autres objets (agroécosystème, interface avec la forêt, modèle de niche, exploitation familiale) et d’autres concepts (durabilité) à l’échelle territoriale, là où une diversité d’acteurs s’exprime et où la coexistence de filières remodèle sans cesse le rapport au global et au local. Le projet Mouve constitue une étape dans la consolidation d’une communauté de recherche sur les interactions élevage– territoire.