L’acte alimentaire est un support identitaire fondamental pour les collectifs humains. Il s’agira d’explorer comment la modernité alimentaire travaille cette forme d’appartenir. En particulier la manière dont elle participe d’un déracinement - ou d’un désenchantement culinaire - et, dans le même temps, comment elle est à l’origine d’un renforcement des identités ou des formes d’appartenir alimentaires. Nous analyserons ce mouvement ambivalent qui est au cœur de la modernité alimentaire : l’homogénéisation, la commodification et le processus de rationalisation s’accompagnent de la recherche d’un sens et d’une identité renouvelée. Cette ambivalence caractérise l’expérience du mangeur contemporain. Ainsi, l’importance du « terroir » dans l’actualité alimentaire ne doit pas être simplement interprétée comme une nostalgie ou une « crispation » face au « bulldozer » de la modernité. Ce renouvellement de l’identité culinaire, cette recherche de « sens » alimentaire est consubstantielle de la modernité. Cet appartenir se lie à l’idée « d’authenticité », ou à celle « d’individualisme expressif » définit par Charles Taylor. Cette dimension de notre activité alimentaire touche à l’appartenir dans ses dimensions d’identité et de territoire mais également au sentiment « de s’appartenir » au travers des sensations, des savoirs faire et des savoirs être qui traversent l’acte culinaire. Au travers d’une exploration empirique de l’expérience du mangeur contemporain, nous mettrons en exergue les logiques qui sont à l’œuvre dans ce mouvement ambivalent. Dans un premier temps, nous décrirons comment le système alimentaire moderne induit cette expérience. En particulier, comment il était présent dès les origines du processus de rationalisation qui a marqué son évolution. Puis, dans un second temps, nous explorerons les formes qu’elles revêtent pour les individus. A tous les stades de l’activité alimentaire - autoconsommation, approvisionnement, cuisine, consommation - nous retrouvons des formes d’appartenir alimentaire. Nous conclurons que ces formes procèdent bien d’une dynamique, d’une « invention du quotidien » comme l’a bien décrit Michel de Certeau.