Le systeme olfactif, voie d’entrée des pesticides dans l’organisme ?
Résumé
Assurant la réception des molécules odorantes, les neurones olfactifs de la muqueuse olfactive (MO) sont en contact direct avec le milieu extérieur, exposés aux agressions permanentes des micropolluants, dont les pesticides. Ils constituent une voie d’entrée privilégiée de toxiques vers le bulbe olfactif (BO) puis le système nerveux central. Dans une étude préliminaire (ACI 2009), nous avions démontré les effets délétères d’un pesticide, la Roténone, sur le système olfactif de rat traités par injections intrapéritonéales (IP). Au cours de second travail, nous avons poursuivi cette étude sur un modèle plus proche de l’exposition réelle des animaux aux pesticides dans la nature, par inhalation répétée de roténone. Notre étude a portée sur des ratons de 0 à 4 semaines de vie postnatale, de deux souches différentes, soumis à des injections intranasales (IN) quotidiennes de roténone. Nous avons évalué les effets dose-dépendants de la roténone (1 à 100μM), pour différentes durées de traitement (1 à 3 semaines), par des mesures comportementales olfactives pendant le traitement (test de reconnaissance d’odeur maternelle), et par des approches d’immunohistochimie de la MO et du BO (marquages neurones olfactifs de la MO par β-Tubulin III et Adénylate-Cyclase III, marquage des cellules apoptotiques par Tunel, et neurones DAergiques du BO par Tyrosine Hydroxylase). Les quantifications d’immunohistochimie dans les différentes zones de MO suggèrent une apoptose accrue et une diminution de l’épaisseur du compartiment apical dendritique/ciliaire des neurones olfactifs chez les animaux traités à la roténone. Cette dégénérescence des neurones olfactifs matures de la MO s’accroit avec la durée du traitement et les concentrations de roténone. Cependant le véhicule utilisé (huile + DMSO) semble altérer les neurones, mais plutôt par une hypertrophie/inflammation de la zone dendritique/ciliaire. Cet effet étant opposé à celui de la roténone, on peut suggérer que les effets en valeur absolue de la roténone seule sont légèrement sous–évalués du fait d’un effet « antagoniste » du véhicule dans lequel la roténone est diluée. Enfin, la variabilité des effets délétères de la roténone sur les neurones semble assez importante, et différente d’une souche de rat à une autre. Les neurones dopaminergiques du BO ne semblent pas affectés par le traitement roténone IN. Pour les tests comportementaux « olfactifs », les ratons séparés de leurs mères pendant 1 à 2 heures sont placés dans un labyrinthe de choix entre deux litières, l’une de leur mère et l’autre propre. Paradoxalement, les ratons les plus fortement traités à la roténone (concentration, durée) ont montrés les meilleures performances olfactives pour se guider vers l’odeur de leur mère : taux de réussite le plus élevé, rapidité, orientation correcte. Une hypothèse déjà avancée au laboratoire dans des expériences comparables est que les neurones dont l’activité est primordiale à la survie de l’animal (odeur de la mère) ont une meilleure résistance face aux agressions. Ils auraient une survie dépendante de cette activité : plus le neurone est sollicité, activé, plus il est protégé de l’action de l’agent toxique.