Ressorts et limites de la domination institutionnelle sur les pratiques alimentaires
Résumé
Cette communication vise à montrer comment le regard institutionnel sur ce que devraient être des pratiques alimentaires « durables » participe de la structuration des rapports de domination. À partir des prescriptions énoncées par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et par le Plan National Nutrition Santé (PNNS) et de la façon dont elles sont interprétées et intériorisées par les consommateurs ordinaires, il s’agit ici de mettre en évidence les ressorts sur lesquels s’appuie la domination institutionnelle pour s’exercer de manière différenciée selon les appartenances de classe. L’analyse repose sur une enquête ethnographique réalisée sur deux sites socialement mixtes, l’un dans un quartier du Nord-est parisien, l’autre dans un quartier d’une petite ville du Nord de la France. Les entretiens approfondis et répétés ainsi que les photographies des espaces domestiques ont permis d’accéder aux pratiques alimentaires des individus enquêtés dans tout ce qu’elles ont de plus concret et routinier mais aussi de comprendre les normes et les représentations qui les soutiennent et les fondent en valeur. La description qu’ils proposent de leurs pratiques et que l’on peut retraduire en termes de pratiques perçues comme « légitimes » ou « illégitimes » fait ainsi apparaître que l’imposition normative ne s’effectue pas avec le même succès selon les compétences et le sentiment de compétences éprouvé par les consommateurs. Par ailleurs, le jugement porté par les enquêtés sur leurs propres pratiques alimentaires se fonde sur des critères socialement situés qui contribuent à occulter ou à valoriser certaines pratiques, renforçant ce sentiment d’(in)compétence et l’acceptation d’une certaine position dans la hiérarchie sociale.