A Bourgeois good ? Sugar, norms of consumption and the labouring classes in nineteenth-century France
[Bon pour le bourgeois ? Le sucre, ses normes de consommation et les classes laborieuses au 19e siècle en France]
Résumé
L'institution d'une norme qui fixe les quantités de sucre nécessaires aux activités physiques est aussi une tentative, au seuil du 20e siècle, de transformer le sucre, d'un bien dont la consommation marque les identités sociales, en une mesure de respectabilité. La norme fait de la consommation de sucre non seulement un élément désirable, mais encore naturel de l'existence humaine. Bien sûr, la campagne pour l'augmentation de la consommation populaire de matières sucrées trouve plusieurs motivations. Mais il est remarquable que l'authentique engagement pour l'amélioration des régimes alimentaires populaires, la recherche de profits et la condescendance des classes supérieures pour celles au bas de la pyramide sociale se retrouvent pour juger déficitaire l'alimentation des classes laborieuses. Le verdict se décline dans un manque d'éducation (l'indifférence populaire à un aliment "dynamogène"), l'incapacité de prendre des décisions rationnelles de consommation (l'insouciance dans l'allocation des dépenses pour trouver la combinaison la moins chère d'aliments nécessaires) et une absence d'un savoir-vivre élémentaire (le goût pour la viande rouge et les pommes de terre plutôt que le poisson et les petits pois). Cette harmonie interprétative montre le rôle de la hiérarchie sociale dans la taxinomie des aliments et de leurs consommateurs. Mais le fait que des membres des classes populaires n'aient aucun scrupule à affirmer leur propre définition et leurs propres usages du sucre comme condiment accessoire prouve la robustesse de leur culture. La résistance à la prescription bourgeoise de consommation peut alors se construire comme une manifestation de conscience sociale et, plus généralement, comme un avertissement à une historiographie qui confond l'augmentation de l'offre avec le nivellement des consommations et l'égalisation des modes de vie.