L'article propose de concevoir le patrimoine comme une relation économique spécifique, extérieure, complémentaire et antagonique à la relation de marché. L'approche analytique et politique des économistes du marché en termes de capital, externalité et bien public opère en effet une réduction d'un certain nombre de problématiques, notamment dans les domaines agricole et environnemental, à un "cadrage marchand", sans penser la question de la reproduction des sociétés et des milieux auxquels elles sont liées. Prenant le contre-pied de cette démarche, les auteurs considèrent que l'économie patrimoniale permet de penser et organiser la préservation de l'identité du monde, de la société ou des groupes sociaux. L'enjeu analytique est dès lors de saisir et expliciter cette rationalité patrimoniale en ce qu'elle constitue une régulation de ce qui pourrait être plus justement qualifié d'incomplétudes de la relation marchande. Plutôt qu'une représentation en terme d'équilibre entre relations patrimoniales et marchandes comme relations croisées, il semble préférable des les envisager en tant que dynamiques institutionnelles en relation dialectique. L'adaptation constante des relations patrimoniales constitue une limitation circonscrite de l'action des relations marchandes, une distorsion de leurs formes de manifestation, qui entraîne des réactions de redéploiement des rapports marchandes en retour, sans qu'on puisse discerner une "fin de l'histoire" ni observer un équilibre stable.