Ayant entrepris de retracer la genèse du "modèle" français des repas contemporain, l'auteur se propose de montrer que celui-ci est le produit de la rencontre, souvent conflictuelle, entre des usages sociaux propres à des groupes et à des cultures de classe différents. Le processus qui aboutit vers la fin du siècle dernier à la constitution d'un modèle standard est issu de la rencontre entre les usages des classes dominantes et des usages populaires d'origines très diverses. Comment les classes populaires ont-elles été amenées à adopter un canon caractéristique du mode de vie bourgeois inadapté aux conditions de vie qui leur étaient faites et à sacrifier la diversité de leurs usages ? Les "disciplines" imposées par la révolution industrielle ont-elles favorisé ou contrarié la popularisation du modèle bourgeois des repas ? Dans quelle mesure une norme émanant des classes dominantes perd-elle ses propriétés sociales en passant dans la "culture standard" ? Pour les classes populaires, l'obligation, mais aussi la possibilité de manger à heures régulières sont liées à la durée et à l'organisation de la journée de travail. Cet exemple fait apparaître que les habitudes caractéristiques d'une "culture nationale" sont aussi des enjeux sociaux.