A partir de l'histoire d'une collectivite villageoise du Vaucluse, reconstitution du processus de penetration du capital sous la forme de l'artisanat a domicile et de la production de marchandises pour l'industrie textile (soie, garance), et analyse des consequences de son interruption, due a des crises sanitaires et surtout au detournement des flux commerciaux, industriels et financiers. L'accent est mis sur les formes singulieres dans lesquelles ces mouvements se sont inscrits: le developpement de l'artisanat domestique et des activites de production agricole marchande n'a ni elimine le systeme productif ancien (auquel il se superpose), ni dissout la plupart des institutions communautaires, telles que celles qui regissaient les formes de regroupement et de dispersion familiaux, la circulation matrimoniale, la distribution territoriale des groupes domestiques, l'organisation et la representation des groupes sociaux, ni meme le mode de devolution preferentiel du patrimoine foncier familial. L'apport des ressources nouvelles a permis au contraire aux formes sociales anterieures de fonctionner, avec quelques amenagements, sur une base en quelque sorte elargie, conduisant par exemple a la possibilite pour davantage d'individus d'assurer l'etablissement et la reproduction de leurs propres "maisons" et lignees. Par contre, l'exode rural et la proletarisation, la specialisation agricole, la concentration fonciere et celle des exploitations ne sont intervenus qu'a partir du retrait des activites liees a la circulation internationale des marchandises et non au moment de la "penetration" du capital, ou plutot de la penetration du capital sous la forme specifique qu'il prend dans cette region au XIXe siecle.