EAUX DOUCES : IL FAUT LES PROTÉGER DE LA POLLUTION SONORE ! - INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Subaqua Année : 2017

EAUX DOUCES : IL FAUT LES PROTÉGER DE LA POLLUTION SONORE !

Résumé

SUBAQUA Janvier-Février 2017-N° 270 anguilla), la perche (Perca fl uiviatilis), le brochet (Esox lucius) et le gardon (Rutilus rutilus). Peut-on imaginer que ces poissons sont affectés par les nuisances sonores ? Pourquoi pas en effet, quand il a été clairement établi que les raies mantas, par exemple, ont déserté la zone de Bora Bora en lien avec la pollution sonore, que dans certaines zones la distance de communication entre cétacés a été réduite de 90 %, que certaines baleines modifi ent leurs trajectoires, abandonnent leur habitat, ar-rêtent de s'alimenter, etc. Pour déterminer le bruit et son impact, les cher-cheurs ont focalisé leur attention sur le son en-gendré par les bateaux de type ferry naviguant sur le lac et en le mesurant au moyen d'hydrophones hydroacoustiques (dans des gammes de fréquence variant entre 80 et 2 000 Hz). Leur étude a été ef-fectuée au mois de novembre 2014 en différents sites du lac, proches des zones de passage obligé des bateaux. Leur étude a porté sur un total de 840 trajets. Les mesures ont révélé des niveaux sonores variables en fonction des bateaux (et ce, en fonc-tion de leur âge, taille, capacité d'accueil, motori-sation) mais globalement elles ont été nombreuses au-dessus des 100 décibels, les chiffres enregis-trés atteignant 109, 114, 117, 118, 130, 135 dB et surtout aux alentours de 1 000 et 2 000 Hz. Pour donner un ordre d'idée, 120 dB est typiquement le bruit produit par une course de beaux offshore et on sait que ça fait du bruit ! Alors que pourrait être l'effet de ce bruit, de cette onde de pression sur la faune lacustre ? La question est plus compliquée qu'elle en a l'air de prime abord car on comprend bien que chaque espèce, peut-être même chaque individu au sein de la même espèce d'un poisson donné, est susceptible d'avoir une tolérance variable au bruit, en lien avec son âge, son sexe, sa physiologie, son histoire de vie, etc. ou encore en lien avec le temps d'exposi-tion et une multitude d'autres facteurs et proces-sus. En effet, le bruit est connu pour agir souvent en synergie avec d'autres formes de perturbations environnementales comme l'altération de l'habitat. Ce que l'on sait, c'est que certaines études ont ef-fectivement révélé des effets sur les poissons d'eau douce : des réponses d'alarme (fuite) au bruit des bateaux chez le gardon et le rotengle (Scardinius erythophtalmus), des perturbations de la nidifi ca-tion chez la perche soleil (Lepomis megalotis), une augmentation marquée du rythme cardiaque et une baisse importante du volume sanguin chez le black-bass ou perche noire (Micropterus salmoides), un stress évident déterminé par le taux de cortisol chez la carpe commune (Cyprinus carpio), le goujon (Go-bio gobio) ou encore la perche commune. Dans le lac de Windermere, pris ici comme grand lac modèle mais sûrement représentatif d'autres écosystèmes (je pense typiquement aux grands lacs péri-alpins, Annecy, Bourget, Léman), il est clair que les poissons subissent le bruit existant et mesuré comme élevé et ce d'autant plus que l'étude a été menée à une période relativement calme (fi n d'automne) en termes d'occupation du lac par les bateaux (comparativement à la période estivale). Il est depuis suggéré qu'une étude à long terme (à différentes périodes de l'année, à divers endroits et pendant plusieurs années), soit conduite sur le bruit et ses effets et que cela serve d'écosys-tème modèle pour obtenir des réponses claires à ce sujet, et pour éventuellement prendre des décisions législatives de protection si nécessaire. Affaire à suivre… ■
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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-02916413 , version 1 (17-08-2020)

Identifiants

  • HAL Id : hal-02916413 , version 1

Citer

Stéphan Jacquet. EAUX DOUCES : IL FAUT LES PROTÉGER DE LA POLLUTION SONORE !. Subaqua, 2017. ⟨hal-02916413⟩
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