Liens forts et liens faibles en agriculture : l’influence des modes d’insertion socio-professionnelle sur les changements de pratiques
Résumé
Le secteur des grandes cultures français est l’objet de pressions croissantes visant à la réduction des intrants de synthèse, à l’origine d’une succession de dispositifs publics depuis une vingtaine d’années. Ceux-ci se sont d’abord centrés sur les engrais, puis sur les pesticides. Concernant les pesticides, la période récente présente un paradoxe intéressant à explorer : alors qu’en 2008 le plan Écophyto 2018 a établi un objectif de réduction de 50 % de leur usage par rapport aux moyennes locales, dans un contexte où plusieurs années successives de tendance à la baisse avaient pu fonder un certain optimisme sur la question, la consommation de pesticides s’est remise à augmenter depuis 2009, sachant que le secteur des grandes cultures qui nous intéresse ici représente environ 70 % du total des utilisations (Butault et al., 2011).
Les économistes agricoles ont face à ce paradoxe une explication simple : les variations des prix des céréales, bas pendant la période 1993-2007, plus variables et plus hauts ensuite, et le coût relatif des intrants de synthèse, élevé dans la première période, et plus stationnaire dans la seconde. En effet, la majorité des agriculteurs auraient tendance à chercher à optimiser leur rendement par des stratégies d’assurance voire de maximisation en période de prix hauts ou variables (donc potentiellement hauts) des céréales, en traitant davantage.
Pourtant, divers travaux conduits par des agronomes et des conseillers de terrain conjointement ont montré que même en période de prix hauts, les marges restaient très correctes et la variabilité des rendements moindre dans les systèmes combinant choix de variétés de blé résistantes aux maladies et conduites à bas niveaux d’intrants.