Industrial public goods: A genesis of the insertion of free software in Silicon Valley
Des biens industriels publics. Genèse de l’insertion des logiciels libres dans la Silicon Valley
Résumé
This paper examines how free software is inserted in the digital industry, tracing the genesis of a program called CVS within the context of work and commodification practices in Silicon Valley during the 1980s and 1990s. Using the concept of industrial public goods, the paper demonstrates that the purpose of free software was to free engineers from the constraints brought about by the commodification of their tools. Yet the autonomy they gained was somewhat relative, since it was intended as a prerequisite to improving software production as a whole, including commercial and proprietary software. The paper also shows that even in the 1990s, free software was not just a question of volunteer work, since most of the contributions to CVS were made by engineers who made their living by working full time on free software. Indeed, many engineers and entrepreneurs fought against this image of volunteering and working for free, which was detrimental to its adoption by Silicon Valley executives. To convince managers that the production of industrial public goods was in fact beneficial to the software industry at large, they tried to give it a price, engaging in an effort of translation to measure the value of their free work and its impact on the industry.
Cet article analyse l’insertion des logiciels libres dans l’industrie informatique, en retraçant la genèse d’un logiciel nommé CVS au sein des pratiques de travail et de marchandisation de la Silicon Valley dans les années 1980 et 1990. En mobilisant le concept de bien industriel public, nous montrons que la création de ce logiciel avait pour but d’affranchir les ingénieurs de certaines injonctions de l’informatique marchande qui pesaient sur leurs outils de travail. L’autonomie conquise n’est toutefois que relative, puisqu’elle est conçue comme une condition nécessaire à l’amélioration de la production logicielle, y compris marchande. L’article montre par ailleurs que, même dans les années 1990, les logiciels libres n’étaient pas qu’affaire de bénévoles, puisque la majorité des contributions à CVS étaient rémunérées ou s’effectuaient dans le cadre d’un emploi à temps plein. C’est d’ailleurs contre cette image de bénévolat et de gratuité, figure repoussoir pour les cadres de la Silicon Valley, que se sont élevés des ingénieurs-entrepreneurs. Ils ont cherché à montrer que la production de ces biens industriels publics avait une valeur pour l’informatique marchande en leur attribuant un prix, engageant un effort de traduction pour chiffrer un travail gratuit et mesurer l’impact de biens publics sur une industrie.