Le taux d’antibiorésistance diminue depuis plusieurs années dans les élevages de volailles en France, en corrélation avec un moindre recours aux antibiotiques en santé animale. Cependant le tube digestif des animaux de rente et l’environnement d’élevage sont considérés comme potentiels réservoirs de bactéries multirésistantes. Cette étude évalue la transmission verticale ou horizontale ou la persistance de l’antibiorésistance tout au long de la chaîne de production de poulets. Des prélèvements de fientes de poulets sains, de surfaces des bâtiments et d’eau ont été réalisés en 2018 - 2019 dans un élevage expérimental qui permet l’accès à l’ensemble des étapes la filière avicole. Le suivi de l’antibiorésistance a été réalisé sur trois générations successives de poules reproductrices élevées en bâtiment protégé afin d’entretenir la lignée (lot reproducteur) ainsi que sur leurs descendants élevés dans des conditions standards pour la production de viande (lot testage). Malgré la non-utilisation d’antibiotiques dans cet élevage depuis une décennie, des E. coli antibiorésistants ont été isolés des prélèvements biologiques et environnementaux. Le phénotype majoritaire de multirésistance aux sulfamides, tétracycline, triméthoprime et ampicilline présentait un taux de 45,5 % chez les isolats de fientes. Une diversité plus importante des phénotypes de multirésistance a été observée chez les isolats du lot testage, telle que les résistances supplémentaires à la streptomycine, aux quinolones et/ou aux phénicolés. L’analyse de séquences des génomes entiers pour 152 isolats d’E. coli a montré qu’ils appartiennent majoritairement au phylogroupe A (55,9%), exclusivement associé au lot reproducteur et au phylogroupe B1 (36,2%), très fortement associé au lot testage. Les trois séquence types majoritaires sont ST162 (B1), ST93 et ST2701 (A) et sont partagés entre générations, de plus chaque ST est associé à un seul sérotype, excepté ST162 associé à deux sérotypes. Les gènes d’antibiorésistance identifiés corroborent les profils phénotypiques des isolats et les plasmides identifiés indiquent une possible transmission horizontale de l’antibiorésistance plasmidique entre bactéries portées par les animaux d’un même lot. Les E. coli multirésistants isolés de l’élevage présentent donc une faible diversité génétique. Ils semblent persister dans l’environnement d’élevage et s’implanter chez les animaux des lots successifs, sans transmission verticale inter-générationnelle directe.