Les communautés d'abeilles butinant la même ressource florale échangent-elles des agents pathogènes ?
Résumé
Les ressources florales sont primordiales pour l'alimentation des communautés d'abeilles, mais peuvent aussi représenter un risque du fait de la transmission d'agents pathogènes. En effet, lors du butinage, les abeilles mellifères et sauvages peuvent déposer des agents pathogènes à la surface des fleurs, exposant ainsi les autres insectes pollinisateurs à du pollen ou nectar contaminé.
La cooccurrence de virus chez les abeilles sauvages et mellifères laisse supposer des échanges possibles. Afin d'étudier le risque de transmission de virus entre des espèces d'abeilles partageant la même ressource florale, nous avons réalisé une expérimentation destinée à maximiser les infections croisées en utilisant la phacélie (Phacelia fanacetifolia), une plante très attractive pour les abeilles mellifères et une large gamme d'espèces sauvages. La prévalence des virus a été comparée sur deux ans dans trois petites parcelles du sud de la France. Les sept virus les plus courants de l'abeille mellifère ont été recherchés chez 1137 abeilles sauvages appartenant à 29 espèces ainsi que chez 920 individus d'abeilles mellifères 'Apis mellifera). Les halites étaient les abeilles sauvages les plus abondantes. Dans 78% de cet échantillonnage, au moins un virus a été détecté, et les co-infections virales (présence simultanée d'au moins deux virus différents) étaient fréquentes. Les virus du couvain sacciforme (SBV), de la cellule royale noire (BQCV), de la paralysie aiguë (IAPV) étaient répandus dans la communauté des abeilles sauvages (voire plus répandus que chez l'abeille mellifère elle-même pour le virus israélien de la paralysie aiguë (IAPV). A l'inverse, le virus des ailes déformées (DWV) a été détecté à de faibles niveaux chez les abeilles sauvages, alors qu'il était très répandu chez les abeilles mellifères (78.3 % des échantillons).
Les isolats de virus des abeilles sauvages et des abeilles mellifères ont été séquencés pour rechercher une éventuelle spécificité d'hôte ou une structuration géographique en comparaison avec les séquences déposées dans les banques de données internationales. Les arbres phylogénétiques (sortes d'arbres généalogiques) suggèrent parfois un isolement entre espèces (cluster spécifique pour l' ABPV chez les eucères), ou de possibles échanges (isolats du DWV des bourdons apparentés à ceux des abeilles mellifères).