La croissante préoccupation pour les questions environnementales et la récente crise sanitaire amplifient la remise en question des modes de production (Lamine 2017) et de consommation alimentaire (Cardon, Depecker, et Plessz 2019). La reconnexion entre agriculture, alimentation et environnement apparaît parmi les solutions suggérées par le front scientifique (Axelos et al. 2019) et se matérialise dans nombres d’initiatives citoyennes (Lamine et Chiffoleau 2016). Ces dynamiques se traduisent aussi par des processus de reterritorialisation incités par l’action normative des instances dédiées. Depuis 2014, les Projets Alimentaires Territoriaux (PAT) sont inscrits dans le code rural et ont pour ambition d’encourager l’élaboration d’une stratégie de production et d’approvisionnement adaptée aux besoins du territoire en mettant autour de la table des acteurs du système alimentaire locale. Encadrés par le Programme National pour l’Alimentation (PNA) et orientés vers les objectifs de la récente loi EgAlim, ces dispositifs qui laissent à priori une marge de manoeuvre important, cristallisent la complexité de la mise en oeuvre de formes de gouvernance territoriale et mettent à vif les résistances aux injonctions environnementales. Cette communication s’appuie sur une ethnographie de deux PAT menée en région Provence Alpes Côte d’Azur. Plus spécifiquement, la communication s’appuie sur deux situations singulières de controverse chacune vécue dans un terrain d’étude. La restitution détaillée des échanges s’inspire d’une approche pragmatique des politiques publiques (Zittoun 2017) où les interactions servent de mise à l’épreuve des visions dans la construction d’un sens commun. Ce procédé méthodologique a pour fin de mettre en exergue comment les processus d’écologisation à l’oeuvre –ici entendus comme recomposition institutionnelle, normative et cognitive de l’action collective entraînée par la prise en compte de l’environnement- sont susceptibles d’engager des résistances. Inversement, qu’est-ce que la mise en oeuvre de ces instruments d’action publique nous dit sur les processus d’écologisation ? Les deux situations de controverse analysées cristallisent de fait les conflictualités des visions des acteurs prenant part à cette démarche dans les deux territoires d’études. Bien que les deux controverses se construisent autour de problèmes diamétralement opposés, tout comme le rôle recouvert par les protagonistes de ces disputes, ces échanges montrent que l’écologisation de l’agriculture et de l’alimentation produit des questionnements communs au sein de groupes d’acteurs divers du fait de son imbrication dans des configurations territoriales singulières.