Pensée végétale et simiesque du film "Le voyage du prince" - INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2022

Pensée végétale et simiesque du film "Le voyage du prince"

Sophie Gerber
Camille Noûs

Résumé

Le film d'animation de Jean-François Laguionie "Le voyage du prince" (2019), d'après "Le château des singes" (1999) du même réalisateur, inspiré du livre "Le baron perché", d'Italo Calvino (1957), est marqué par une prégnance végétale forte. « On lit dans les livres qu'au temps jadis, un singe parti de Rome pouvait arriver en Espagne sans toucher terre, rien qu'en sautant d'arbre en arbre. » (Calvino 1957). La continuité forestière historique suggérée dans cette phrase illustre la continuité végétale dont le film se fait le porte-parole, et le porte-image. Le film s'inspire de « ce fameux philosophe qui vit sur les arbres, comme un singe » (Calvino 1957) et nous invite dans un monde de fiction, dans lequel les singes sont l'espèce animale principale – évoquant une autre espèce de primates – représentée à travers des peuples aux modes de vie contrastés. Le film est construit avec les végétaux, qui sont très variés, en formes et en espèces (des herbes aux arbres), et dont les liens avec les peuples sont également divers et parfois opposés, aussi bien à l'image que dans l'histoire racontée. Ainsi nous rencontrons au fil du film toutes sortes de plantes : la plante support et compagne de vie, ou au contraire obstacle à des constructions, qui les détruisent ; la plante sauvage ou domestiquée ; la plante décorative ; la plante pharmakon, remède et poison à la fois ; la plante menace, physique ou chimique. Le monde végétal est donc présent dans toute sa diversité, et dans la richesse des transactions (Dewey et Bentley 1949) qui s'établissent entre les espèces. L'anthropologie nous apprend que la nature n'existe pas, que cette "nature" c'est le monde dont les humains se sont retirés (Descola 2020), le baron perché ne se retire pas de la nature mais regarde "le monde du haut de son arbre : tout, vu de là, était différent". Ainsi, l'ontologie, qui modèle la façon dont les humains perçoivent, dans le monde, des continuités et des discontinuités entre humains et non-humains (Descola 2011) se décline dans le film différemment selon les peuples de singes : les wonkos, les laankos, les nioukos (qui pourtant ont « les mêmes ancêtres, cela ne va pas plaire à tout le monde » (Laguionie 1999)). Pourrions-nous alors inventer et réinventer la "nature" ? En convoquant entre autre les simiens (singes), une philosophe nous rappelle que tous les moyens de vision du vivant, nos yeux inclus, sont des systèmes de perception actifs, qui construisent, à l'aide de traductions et de modes de vue spécifiques, des modes de vie (Haraway 1991). Nous sommes donc invités, en suivant le baron et la façon dont le film s'en inspire, à contempler et questionner notre lien aux plantes. Comment les transactions établies avec elles et avec le reste du vivant font-elles le monde ? C'est ce que nous tenterons d'approcher à travers les images et le message de ce film. Calvino Italo 1957. Le Baron perché (Il barone rampante) Giulio Einaudi, Turin, Éditions du Seuil, traduction française, 1959. Descola Philippe 2011. L'écologie des autres, Collection Sciences en questions, Éditions Quæ. Descola Philippe 2020. Il faut combattre l'anthropocentrisme. https://usbeketrica.com/article/philippe-descola-il-faut-combattre-l-humanisme-comme-anthropocentrisme Dewey John, Bentley Arthur 1949. Knowing and the Known. Beacon Press, Boston. Harraway Donna 1991. Simians, Cyborgs, and Women – The Reinvention of Nature, Routledge, New York. Laguionie Jean-François 1999. Le château des singes. Film d'animation. Réalisation Jean-François Laguionie. Scénario Jean-François Laguionie, Norman Hudis. 75 minutes. Laguionie Jean-François 2019. Le voyage du prince. Film d'animation. Réalisation Jean-François Laguionie, Xavier Picard. Scénario Anik Le Ray, Jean-François Laguionie. 75 minutes.
Fichier principal
Vignette du fichier
ICA_preconf_proposition_SG_complet_fev22.pdf (39.03 Ko) Télécharger le fichier
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-03935651 , version 1 (12-01-2023)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03935651 , version 1

Citer

Sophie Gerber, Camille Noûs. Pensée végétale et simiesque du film "Le voyage du prince". Pré-conférence ICA (International Communication Association). Au-delà du monde des humains : communication végétale émergente dans l'espace public., May 2022, Aix en Provence, France. ⟨hal-03935651⟩
55 Consultations
13 Téléchargements

Partager

Gmail Facebook X LinkedIn More