En bio, il faut réfléchir à reconnecter culture et élevage
Abstract
« En France et en Europe, les fermes se sont agrandies et le nombre de travailleurs par ferme s’est réduit. Pour compenser ces tendances, il a fallu augmenter la productivité du travail, en s'appuyant sur la mécanisation, l'intensification via l’usage d’engrais minéraux et de pesticides et la spécialisation au détriment de la polyculture-élevage. Ce modèle agricole est aujourd’hui vivement critiqué pour ses impacts environnementaux. C’est tout particulièrement le cas de l'élevage. Pourtant, on assiste à des mouvements contraires : des cultivateurs bio réintroduisent des animaux dans leurs exploitations.
Des études sur les nombreux bénéfices...
Du côté de la recherche, il y a beaucoup de connaissances sur l’intérêt d’une reconnexion entre culture et élevage. L'agriculteur bénéficie du retour des prairies dans la rotation pour restaurer la structure des sols, fixer de l'azote, améliorer l’infiltration et la rétention de l'eau mais aussi diminuer la pression des adventices. L’agriculteur a aussi la possibilité de faire pâturer ses couverts végétaux. Ce pâturage a généralement peu d'effet sur le tassement des sols et augmente l'azote disponible au semis de la culture suivante.
Une récente étude rapporte aussi une réduction du nombre de limaces de 60% en sortie de pâturage. L’agriculteur peut faire pâturer ses céréales au stade immature. Cela tend à réduire les maladies par destruction de l’inoculum et peut améliorer la récolte suivante. Le pâturage des chaumes est une possibilité supplémentaire. Les animaux sont aussi un moyen de valoriser les cultures qui ont souffert des aléas climatiques. L'inconvénient majeur, c'est la performance économique de la polyculture-élevage. Mais, avec le renchérissement de l'énergie, on peut imaginer qu’elle va s’améliorer car les pratiques dont je parlais limitent les passages de tracteurs et favorisent l’autonomie en intrants. Sans compter les potentiels paiements pour services environnementaux dont de tels systèmes pourraient bénéficier.
Il y a différentes modalités pour réintroduire de l'élevage sur une ferme céréalière bio. Ça peut passer par l'installation d'un atelier d'élevage sur la ferme. Ça peut aussi se faire par la coopération entre un ou des céréaliers et un ou des éleveurs dont les animaux sont accueillis de quelques semaines à plusieurs mois, chez les céréaliers. Ce dernier schéma peut aussi embarquer les collectivités locales désireuses de faire entretenir des surfaces communales.
… et les freins à lever
Mais il existe des freins à cette reconnexion culture-élevage. Il y a d’abord la nécessité de développer les connaissances nécessaires sur l’élevage pour la plupart des céréaliers ou de trouver les bons éleveurs partenaires. Cela peut aussi impliquer des investissements comme des clôtures. Il y a aussi toute la question du manque de services pour accompagner les céréaliers qui réintégreraient de l'élevage, que ce soit les vétérinaires ou les conseillers qui sont souvent spécialisés soit en production végétale, soit en élevage. Les opérateurs de l'aval ne sont pas présents dans tous les territoires. Enfin, le marché de la viande bio n’est pas des plus porteurs.
Néanmoins, cette reconnexion mérite d’être reconsidérée, parce qu'elle revient sur un modèle agricole plus circulaire, plus autonome, plus en phase avec un contexte d'énergie chère. La recherche, le conseil et les collectivités doivent se pencher dessus pour tenter de lever les obstacles restants. »