Devenus la référence en agriculture moderne, l'utilisation des produits phytopharmaceutiques (PPP) a engendré une contamination significative de l’environnement et en particulier des sols. Les PPP ont notamment été identifiés comme un des facteurs responsables du déclin de la biodiversité des vers de terre dans les champs en agriculture intensive (Smith et al., 2008). Des espèces persistent néanmoins, dont Aporrectodea caliginosa, espèce de vers de terre endogés considérée comme hautement représentative des sols agricoles et espèce référence pour les essais normalisés d'écotoxicité (ISO 11268-2:2023). Ceci suggère un phénomène d’adaptation chez certaines espèces vis-à-vis de cette contamination. Phénomène pouvant inclure des modifications d’allocation d’énergie et des traits d’histoire de vie des individus, eux-mêmes intimement liés aux nombreuses fonctions écologiques remplies par les vers de terre. Une altération de ces fonctions écologiques se traduirait également en une altération des services écosystémiques associés. L’étude de ces processus d’adaptation nécessite la prise en compte de la variabilité individuelle des traits d’histoire de vie, une composante souvent ignorée dans les tests écotoxicologiques standardisés (Jager, 2013). La présente étude porte sur l'exposition d'A. caliginosa au Swing®Gold, un fongicide contenant de l’époxiconazole, un des pesticides les plus retrouvées dans les sols agricoles (Pelosi et al., 2021). Ce stress lié au fongicide est amené à induire des « coûts de tolérance » dus à l’allocation d’énergie supplémentaire nécessaire à sa gestion. Notre objectif est d'adapter les modèles mathématiques bioénergétiques pour mieux intégrer la variabilité individuelle dans la croissance des individus et leur tolérance aux fongicides (Bart et al., 2020). Pour cela, nous avons adopté une approche longitudinale en suivant la masse corporelle de deux cohortes de 30 individus : une cohorte d’individus de contrôle et une cohorte d’individus continuellement exposés à trois fois la dose recommandée en Swing®Gold. Ce suivi individuel de croissance est réalisé sur une durée de dix mois et cela dès les premiers jours de vie jusqu’à maturité avec pour objectif final d'évaluer les conséquences de l'exposition sur le taux de reproduction des individus. Ces résultats permettent de prendre en compte la variabilité individuelle dans un modèle bioénergétique et d'appréhender les conséquences de l'exposition de A. caliginosa au fongicide à l'échelle de la population et sur les dynamiques éco-évolutives entrant en jeu. Références Bart, S., Pelosi, C., Nélieu, S., Lamy, I., & Péry, A. R. R. (2020). An energy-based model to analyze growth data of earthworms exposed to two fungicides. Environmental Science and Pollution Research, 27(1), 741‑750. https://doi.org/10.1007/s11356- 019-06985-z Pelosi, C., Bertrand, C., Daniele, G., Coeurdassier, M., Benoit, P., Nélieu, S., Lafay, F., Bretagnolle, V., Gaba, S., Vulliet, E., & Fritsch, C. (2021). Residues of currently used pesticides in soils and earthworms: A silent threat? Agriculture, Ecosystems & Environment, 305, 107167. https://doi.org/10.1016/j.agee.2020.107167 Smith, R., Mcswiney, C., Grandy, A., Suwanwaree, P., Snider, R., & Robertson, G. (2008). Diversity and abundance of earthworms across an agricultural land-use intensity gradient. Soil and Tillage Research, 100(1‑2), 83‑88. https://doi.org/10.1016/j.still.2008.04.009