Détournement de la cellule par un flavivirus transmis par les tiques : liaisons dangereuses entre l'ARN viral et les protéines cellulaires chez l'humain et la tique Ixodes ricinus
Résumé
En Europe, le virus de l’encéphalite à tique (TBEV), un Flavivirus principalement transmis par la tique Ixodes ricinus, est responsable d’environ 3000 infections humaines annuelles. Malgré sa simplicité moléculaire – une dizaine de protéines et un génome à ARN monocaténaire positif de 11 kilobases – TBEV est capable d’infecter à la fois la tique et l’humain, deux espèces très distantes phylogénétiquement. A ce jour, les mécanismes conférant la capacité à TBEV, et aux arbovirus en général, d’infecter à la fois un arthropode et un vertébré ne sont pas résolus.
L’objectif de ces travaux est d’élucider les mécanismes moléculaires dirigeant l’infection par TBEV chez l’humain et la tique, en se focalisant sur l’identification des protéines cellulaires interagissant avec le génome viral. Pourtant moins étudiées que les interactions entre protéines virales et cellulaires, les interactions entre ARN viral et protéines hôte sont cruciales pour le cycle viral. Le génome à ARN, support de la multiplication virale, détourne des facteurs cellulaires pour assurer sa traduction et sa réplication. Il sert également d’indicateur pour des senseurs et effecteurs cellulaires spécifiques permettant d’éliminer l’infection.
Nous avons cartographié l’interactome protéique humain et tique du génome de TBEV par ChIRP-MS, une technique novatrice permettant d’identifier les protéines liant l’ARN viral in cellulo, en contexte infectieux. Nous avons mis en évidence de nombreuses interactions virus-hôte, dont certaines jamais caractérisées. Nous analysons à présent le rôle fonctionnel des interactions les plus robustes par ARN interférence en lignées humaine et tique, afin de définir leur impact sur le cycle de TBEV.
Notre étude comparative devrait permettre de découvrir de nouveaux facteurs de dépendance ou de restriction de l’infection par TBEV, dont certains pourraient être conservés chez les deux hôtes, et plus généralement d’apporter un éclairage sur la capacité du virus à alterner entre mammifère et arthropode.