Le secteur du maraichage français doit concilier de multiples enjeux : assurer la sécurité sanitaire des consommateurs, réduire les impacts environnementaux des systèmes, favoriser la durabilité des exploitations agricoles. Beaucoup de pratiques qui favorisent les régulations naturelles ont été validées par la R&D (biocontrôle, diversification des rotations, apport de matière organique pour favoriser la vie du sol). Pourtant, le développement de modes de production agroécologiques est limité par un système sociotechnique dominant, verrouillé autour de technologies héritées de la période du « tout-chimique ». Le projet INTERLUDE (2020-2023) vise à favoriser les réorganisations des acteurs des filières amont et aval à l’échelle des territoires pour permettre le déploiement de systèmes maraichers agroécologiques. Le territoire est vu comme une échelle pertinente pour faire évoluer les stratégies de ces acteurs et permettre l’adoption de leviers agroécologiques. Une première étape a consisté à analyser par enquête les facteurs qui freinent le déploiement de systèmes agroécologiques dans 4 territoires (Provence, Roussillon, Martinique, Guadeloupe), qui se situent à l’échelle des exploitations agricoles, des filières amont et aval, du conseil, de la recherche et des institutions. Puis, chercheurs et acteurs des territoires ont co-conçu des prototypes qui combinent des innovations techniques (pratiques ou systèmes de culture agroécologiques) et des innovations économiques, sociales ou organisationnelles (cf concept d’innovation couplée, Meynard et al 2021). Ces prototypes combinent différentes formes de coordination : entre producteurs (ex : achat en commun et/ou échange d'outils, regroupement des productions pour une meilleure valorisation commerciale), entre producteurs et acteurs amont de la filière (ex : création de filières de fourniture d'intrants agroécologiques), entre producteurs et aval de la filière (ex : commercialisation de lots de légumes issus de systèmes très diversifiés). Nous proposons une typologie des innovations couplées conçues dans les 4 cas d’étude selon différentes dimensions : la nature des innovations couplées (combinaisons entre innovations techniques, logistiques, commerciales, économiques, sociales) ; le degré de changement technique requis (entre substitution et reconception) ; les modalités de gouvernance nécessaires pour développer ces innovations (gouvernance individuelle, corporatiste, de territoire ou de filière). Cette approche multi-acteurs et pluridisciplinaire devrait aider les acteurs à se réorganiser pour permettre un déploiement plus large de systèmes de culture agroécologiques.