Les crises sanitaires animales des dernières décennies sont marquées par l’irruption de nombreuses maladies transmissibles ("vache folle", fièvre aphteuse, fièvre catarrhale ovine, grippe aviaire,...), dont certaines sont des zoonoses, et donc transmissibles à l’homme. Ces crises à répétition, ainsi que la réémergence ou la persistance de certains pathogènes dans les territoires (la tuberculose bovine, la brucellose,…) ont progressivement remis en question les modes d’organisation et de gestion de la santé des animaux d’élevage, mais également les modes de production de connaissance. Ainsi, sous les mots d’ordre épistémiques « One Health », « Eco Health », les scientifiques cherchent à rompre avec le cloisonnement disciplinaire de la recherche, et à produire des connaissances de ces problématiques complexes par des approches dites « intégrées » et participatives, ou chaque discipline apporte des clés de compréhension des problématiques de recherche et de gestion qui s’entremêlent dans une situation de sanitaire (Enticott 2008 ; Manceron, 2009 ; Law et Moser, 2012 ; Fortané et Keck, 2015). Par ailleurs, en France, la Nouvelle Gouvernance du Sanitaire (Gueriaux et al., 2012) marque une tentative de régionaliser l’action publique sanitaire pour une meilleure adaptation des mesures de gestion aux configurations de territoires, mais ses instruments se mettent difficilement en place (CGAAER, 2018). Se dessine alors un enjeu autour de la conception de formes de gestion flexibles et adaptatives (Armitage et al., 2009), censées répondre aux multiples dimensions des problématiques de santé animale, et incluant de multiples acteurs (éleveurs, chasseurs, associations environnementales, entreprises privées, etc.). La Corse est un territoire vulnérable aux risques de maladies émergentes (Goutard et al., 2013, Calba et al., 2015) en particulier de par sa position géographique de sentinelle au Sud-Ouest de la Méditerranée, mais aussi de par l’élevage extensif qui y est pratiqué et qui facilite les interactions entre animaux. La menace de la Peste Porcine Africaine, la Xylella fastidiosa, la Fièvre Catarrhale Ovine, la Tuberculose bovine,… sont autant de phénomènes épidémiologiques apparus ces dernières années en Corse. C’est donc un territoire pertinent pour poser les questions de recherche au cœur de la dynamique d’implémentation de la Nouvelle Gouvernance du Sanitaire, en investiguant, avec les acteurs socio-professionnels, à la fois les modes d’existence des pathogènes et les modes d’existence des dispositifs de gestion. Une telle approche vise àcontribuer à renouveler les paradigmes scientifiques et gestionnaires de la santé animale et végétale et, in fine, proposer de nouvelles formes d’organisation. Le projet NovPath (Nouvelles approches pour la gestion des pathosystèmes) proposait ainsi trois axes de recherche découpés en plusieurs modules (figure 1): Axe 1 : La compréhension des patrons épidémiologiques des maladies infectieuses (modes d’existence des pathogènes). Cet axe visait à produire une approche compréhensive des facteurs de risque épidémiologiques, en élargissant donc l’approche factorielle classique en épidémiologie, à des approches systémiques et compréhensives des pratiques des acteurs. Ainsi, si cet axe a une dominante « éco-épidémiologie et biologie» sur le plan disciplinaire, il implique des approches en zootechnie système, écologie et géographie qui permettent d’aborder la multi-dimensionnalité des facteurs de risque. La majorité des travaux de cet axe ont abordé la question de l’interaction infectieuse entre les différents compartiments biologiques, notamment l’interface entre faune sauvage et faune domestique, déclinée sur un « modèle sanglier – porcs ». Axe 2 : La dimension socio-spatiale des instruments de gestion et de surveillance des pathosystèmes. Cet axe visait à étudier des organisations dont une des fonctions majeures est la surveillance et la gestion des maladies infectieuses animales. Les organisations étudiées étaient les abattoirs (module 1) et les cliniques vétérinaires (module 2). Il s’agissait d’une approche en géographie, gestion et zootechnie système, pour comprendre le fonctionnement de ces organisations, leurs trajectoires d’évolution et surtout pour caractériser leur relation avec les élevages. Les travaux de l’axe 2 visaient donc à produire des connaissances sur les ressources territoriales pour la gestion des maladies, mises en regard avec la distribution spatiale des pathosystèmes. Axe 3 : Vers de nouveaux dispositifs de gestion des pathosystèmes. Cet axe reposait sur l’analyse rétrospective de dispositifs de gestion d’une part (module 1 : situation de la fièvre catarrhale ovine, situation Xylella fastidiosa), et l’expérimentation de nouveaux dispositifs mis en œuvre par des approches participatives (module 2 : dispositifs Aujeszky, auquel s’est ajouté la situation « biosécurité PPA » conduisant au plan sanitaire porcin). Alors que l’Axe 2 mettait la focale sur la distribution spatiale de plusieurs instruments, cet axe abordait la conception et le déploiement des stratégies de gestion dans leur ensemble, dans une perspective dynamique. Le module 2 visait notamment l’expérimentation de nouvelles formes d’organisation pour concevoir et mettre en œuvre des dispositifs de gestion innovants. Ainsi, cet axe rassemblait des disciplines scientifiques diverses (épidémiologie, géographie, zootechnie, sciences de gestion,…) et mobilisait également des savoirs locaux, dans une approche transdisciplinaire.