Caractérisation de l’hyperphagie induite par une réduction des apports en protéines de viande chez le rat
Abstract
Introduction et but de l’étude
La réduction de la consommation globale de viande, principale source de protéines
dans l’alimentation française, fait partie des leviers envisagés pour réduire l’impact
environnemental de la production alimentaire. De nombreux travaux expérimentaux
chez le rongeur ont montré qu’une réduction modérée des apports en protéines
induit une augmentation de la prise alimentaire. L’objectif de l’étude est de mieux
caractériser cette réponse hyperphagique et le risque obésogène potentiellement
associé, chez le rat. En particulier, nous avons cherché à situer le niveau des
apports en protéines déclenchant une réponse hyperphagique, en comparant des
groupes de rats recevant trois niveaux d’apports en protéines.
Matériel et Méthodes
Des rats Wistar âgés de 6 semaines ont été répartis en 3 groupes (n=8) nourris
avec un régime dont la teneur en protéines (issues de viande de boeuf) était (en %
des apports énergétiques (AE)) de 6% (groupe P6), 10% (groupe P10) ou librement
établie sur la base d’un choix entre des croquettes à 20% et à 40% de protéines
(groupe P20+40), pendant 12 semaines. Les régimes étaient isocaloriques (3970
Kcal/kg), la compensation calorique des protéines étant établie sur l’amidon
(respectivement 52%, 48% et 38% des AE pour la teneur en amidon). Les régimes
avaient la même teneur en lipides (16% des AE), sucrose (26% des AE), fibres
(cellulose 5g/100g), minéraux et vitamines (mix AIN 93M). La consommation
alimentaire et le poids des animaux ont été suivis quotidiennement. L’appétence
pour les protéines, les acides aminés (AA) et le saccharose a été mesurée lors de
tests de préférence. En fin d’expérimentation, la composition corporelle a été
évaluée en pesant les carcasses (os + tissus maigres) et le tissu adipeux viscéral
(péri-rénal, mésentérique, épididymaire).
Résultats et Analyses statistiques
Dès l’introduction des régimes et pendant toute la durée de l’expérimentation, les
rats P10 ont augmenté leur consommation alimentaire (+30%, p<0,001)
comparativement aux rats P6 et P20+40 (ces 2 groupes ayant une consommation
alimentaire similaire). Cette hyperphagie a entrainé une augmentation de l’adiposité
viscérale (+45%, p<0,01) chez les rats P10, sans affecter le poids des tissus
maigres ni le poids corporel comparativement aux rats P20+40. Les rats P6 ont
présenté un retard de croissance pondérale (-27% en moyenne, p<0,001)
comparativement aux rats P10 et P20+40 (ces 2 groupes ayant une croissance
similaire), affectant principalement les tissus maigres (os et muscles : -28% vs P10
ou P20+40, p<0,01) sans modifier l’adiposité comparativement au groupe P20+40.
Les tests de préférence alimentaire n’ont pas révélé de différence de
comportement entre les groupes P10 et P20+40, vis-à-vis des protéines, des AA et
du saccharose. En revanche, les rats P6 ont montré une appétence accrue pour
les protéines et une absence d’appétence pour le saccharose, révélatrice
d’anhédonie chez ces animaux en déficit de croissance.
Conclusion
Chez le rat adulte, une réduction modérée (à 10% des AE) de la teneur en
protéines du régime induit une hyperphagie significative comparativement à un
régime riche en protéines (20,3% des AE), ainsi qu’une adiposité accrue, sans
affecter le poids corporel ni l’appétence pour les protéines ou le saccharose. Une
réduction plus importante de la teneur en protéines du régime (à 6% des AE),
n’induit pas d’hyperphagie, ni d’augmentation de l’adiposité mais entraîne un déficit
de croissance, un comportement anhédonique et une appétence accrue pour les
protéines. Ces résultats indiquent que l’hyperphagie induite par la réduction de la
consommation protéique intervient pour des niveaux de réduction modérée
(assurant les besoins en AA pour la croissance) et est associée à un risque
obésogène chez le rat.