Adoptée par l’Europe en 1992, dans la perspective de préserver la biodiversité, la directive Habitats prévoit la mise en place d’un réseau d’espaces protégés baptisé Natura 2000. Son application en France a suscité de nombreuses difficultés, en particulier une forte hostilité de la part d’organisations rurales regroupant en particulier des agriculteurs, des chasseurs, des forestiers réunis au sein du « groupe des 9 ». L’influence acquise par cette alliance qui se pose en représentant des « véritables acteurs du monde rural », incite à se demander s’il ne s’agit pas d’un phénomène politique et social rappelant, dans un contexte nouveau, les agrariens qu’évoquait, voici plus de trente ans, Pierre Barral. Mais notre recherche suggère aussi l’idée que, plus qu’une opposition villes-campagnes, les conflits suscités par la directive Habitats et l'action du « groupe des 9 » ont révélé la difficulté de concilier la pluralité des usages de la nature dans l’espace rural, en particulier de mettre en œuvre une gestion de la biodiversité compatible avec les activités productives. Aussi, nous faisons l’hypothèse que, même si elle puise dans un argumentaire rappelant la symbolique agrarienne, l’action du « groupe des 9 » incarne avant tout la vigueur des réactions déclenchées par le processus d’« environnementalisation » que connaît aujourd’hui l’espace rural français. Ainsi, paradoxalement, l’existence du “ groupe des 9 ” illustre que les enjeux ne sont plus les mêmes que ceux qui caractérisaient le temps des agrariens, celui de campagnes avant tout agricoles. La puissance d’évocation de certains thèmes mobilisés par ces opposants à la directive Habitats mettant en scène la domination de la « culture » rurale par la « culture » urbaine ne peut alors cacher que la frontière entre les deux mondes s’est singulièrement estompée.