Peut-on concilier un faible usage de pesticides, une bonne performance économique et environnementale ? Analyse d’un réseau national de fermes de démonstration Ecophyto
Résumé
Feeding an increasing world population with a sustainable agriculture is one of the greatest challenges of this century. The reduction of the reliance on pesticides is a critical aspect in this quest for sustainability. Whether cropping systems with reduced reliance on pesticides would be able to reconcile the various components of sustainability remains however a matter of debate. Are they as productive and profitable than current mainstream cropping systems? Here the objective is to study the feasibility of a reduced reliance on pesticides in France. We used a unique dataset from a national network of more than thousand arable commercial farms between 2009 and 2011. Launched in the framework of the Ecophyto political plan, the DEPHY-Ferme network includes commercial farms that are committed in pesticide reduction. They show contrasting pest management strategies across a wide range of French production situations. Based on this diversity, our results identify farming strategies with low pesticide use. These strategies rely on combinations of management techniques that vary from a context to another. We show that cropping systems with reduced reliance on pesticides are not less productive and less profitable than other systems in more than 75% of French situations. We assess their performances through seven indicators covering the various aspects of sustainability and we show that a low reliance on pesticides may be related to increased agricultural sustainability. At the national scale, a widespread transition of French agriculture toward a reduced reliance on pesticides would be beneficial both for the trade balance and the protein and energy self-sufficiency of France. Such a transition would imply deep changes for famers and for the whole farming sector, changes that must be better grasped in order to achieve the ambitious objectives of the Ecophyto plan for 2025.
Nourrir une population humaine croissante par une agriculture durable est un des enjeux majeurs de ce siècle. La réduction de la dépendance aux pesticides des systèmes agricoles est un aspect central de cette quête de la durabilité agricole. La capacité de systèmes de culture économes en pesticides à concilier les différentes facettes de la durabilité reste néanmoins source de controverses. Sont-ils par exemple aussi productifs et rentables que les systèmes agricoles actuels? L’objectif de ce travail de thèse est d’étudier la faisabilité d’une réduction de la dépendance aux pesticides en France. Il s’appuie sur un jeu de données unique qui recense les pratiques de plus de 1000 exploitations agricoles françaises en grandes cultures et polyculture-élevage de 2009 à 2011. Sous l’égide du réseau DEPHY-Ferme mis en place dans le cadre du plan Ecophyto, ces exploitations sont engagées dans une dynamique de réduction d’usage de pesticides et affichent des stratégies contrastées dans des contextes biophysiques et socio-économiques très divers. Nos résultats valorisent cette diversité pour identifier des stratégies économes en pesticides. Ils montrent que les combinaisons de techniques de gestion sur lesquelles ces stratégies reposent ne sont pas les mêmes d’une situation de production à l’autre. Ces stratégies ne sont pas associées à de plus faibles productivités et rentabilités dans plus des trois quarts des situations françaises étudiées. L’évaluation de leurs performances sur une gamme de sept indicateurs couvrant différentes facettes de la durabilité confirme qu’une réduction de la dépendance aux pesticides irait dans le sens d’une plus grande durabilité des systèmes agricoles français. Une transition généralisée vers une moindre dépendance aux pesticides serait aussi bénéfique sur le plan national, tant pour la balance commerciale que pour l’autonomie protéique et énergétique de la France. Une telle transition nécessiterait des changements profonds pour l’agriculteur et pour les filières, changements qu’il reste nécessaire de mieux appréhender si l’on veut les accompagner et atteindre les objectifs ambitieux d’Ecophyto d’ici 2025.