D’où viennent-ils et où vont-ils ? Caractériser et comprendre les facteurs impliqués dans la dispersion biologique des arthropodes d’intérêt en santé
Résumé
Mes activités de recherche s’inscrivent dans le cadre large de l’entomologie médicale et vétérinaire. Les changements climatiques et les modifications écologiques, en partie liées à la croissance démographiques et aux activités humaines, en lien direct avec l’intensification de de l’agriculture et de l’élevage contribuent aux modifications constantes des situations épidémiologiques des maladies à transmission vectorielle. Dans ce contexte, on assiste depuis une trentaine d’années à l’émergence ou à la réémergence de maladies à transmission vectorielle qui constituent un problème majeur en santé publique et vétérinaire. Comprendre et prédire l'épidémiologie des maladies à transmission vectorielle repose sur une connaissance claire sur la biologie de base des organismes impliqués. Les recherches développées au cours de de ma carrière visent à mieux comprendre comment se distribuent et se structurent les espèces étudiées en fonction notamment de leur dispersion. Elles se sont articulées autour de deux grandes questions :
• Connaître et identifier les vecteurs impliqués. Les caractéristiques phénotypiques et génétiques des vecteurs d’agents pathogènes jouent un rôle clé dans la détermination de l'épidémiologie de la transmission. Des différences dans la biologie et l'écologie d'espèces proches peuvent jouer un rôle majeur dans la probabilité de transmission, et notamment vis-à-vis de la compétence vectorielle de ces espèces. L’identification des espèces vectrices, de leur diversité et de leur répartition, ainsi que la séparation précise de ces espèces est donc fondamentale pour comprendre l'épidémiologie des maladies. Pour de nombreux groupes d’espèces d’arthropodes, l’identification spécifique repose le plus souvent sur des critères morphologiques et est affaire de spécialiste. Ceci est rendu encore plus compliqué par l’existence de complexes d’espèces cryptiques ou morphologiquement très proches, et par le fait qu’au sein de ces groupes, toutes les espèces ne sont pas toujours formellement décrites. Compte tenu de ces difficultés, il est essentiel d'utiliser des méthodes complémentaires et alternatives pour résoudre les problèmes taxonomiques. Les outils moléculaires et notamment le codage à barres de l'ADN (DNA barcoding) sont maintenant largement utilisées comme outils rapides et efficaces pour l'identification des espèces. Cette méthode a également l’avantage de permettre l’identification des stades immatures ainsi que de spécimens partiellement détruits. Le succès du barcoding moléculaire dépend de la distinction entre la divergence génétique intra- et inter-spécifique et est donc très dépendant de la question de savoir si les taxons identifiés constituent bien des espèces à part entière et de la manière dont ces espèces ont été définies. Le concept d’espèce ne répond pas toujours à une définition unifiée et partagée. De l’inflation taxonomique se produit lorsque les chercheurs élèvent les sous-espèces ou les variantes géographiques au niveau des espèces en appliquant des concepts d'espèces alternatives. Cette subjectivité nuit à la stabilité taxonomique. Pour éviter ces écueils, des méthodes de délimitation et de description des espèces sont nécessaires. Un large éventail de méthodes de délimitation des espèces, pouvant contribuer à la clarification taxonomique de certains groupes d’espèces a été récemment développé. Elles visent à relier la variation moléculaire entre les organismes et la taxonomie en utilisant des modèles et des seuils de nature et de niveau de complexité différents.
• Caractériser et de comprendre les facteurs impliqués dans les processus de dispersion biologique des arthropodes. La distribution spatiale d’une espèce, mais aussi la structure génétique observée au sein de son aire de distribution, est la résultante de combinaisons complexes d’événements anciens et récents, évolutifs et démographiques, ayant conduit à la colonisation et à l’installation de groupes d’individus dans de nouveaux milieux. Elle est sous la dépendance forte des phénomènes de dispersion de cette espèce. Ces évènements de dispersion dépendent des modifications géomorphologiques et climatiques du milieu, qui modulent en continu les aires de distribution des espèces. De plus, en modifiant leurs environnements, les populations humaines contribuent aussi bien à modifier la distribution des espèces au sein de leurs aires natives, qu’à la dispersion des espèces hors de leur aire naturelle de répartition. La dispersion est également liée aux caractéristiques biologiques des espèces. Cette dispersion peut être active ou passive. Dans le cas de la dispersion passive, liée à des facteurs extrinsèques (comme les vents, les courants océaniques, des organismes hôtes ou lié aux activités humaines), l’individu dispersé n’est pas maître de la direction ou de l’intensité de dispersion. Le rôle du paysage dans lequel se dispersent les espèces est important. En effet, les flux de gènes sont en effet plus ou moins contraints par les barrières naturelles ou artificielles limitant le déplacement des individus ou des espèces. Dans le cadre de l’étude des maladies à transmission vectorielle, il apparaît essentiel de caractériser et de comprendre les facteurs impliqués dans les processus de dispersion des arthropodes d’intérêt. En effet, les déplacements dans de nouveaux territoires d’hôtes, de réservoirs et d’espèces d’arthropodes vectrices avec les pathogènes transmis favorisent l’augmentation des contacts hôtes/vecteurs/pathogènes et contribuent à l’émergence ou la réémergence de maladies à transmission vectorielle. Une meilleure connaissance des facteurs historiques, démographiques et évolutifs ayant conduit à la distribution actuelle des espèces étudiées ainsi que des facteurs modelant leur distribution au sein de cette aire vont permettre (i) d’anticiper des phénomènes d’expansion de populations déjà installées, (ii) de prédire de nouvelles invasions biologiques et (iii) de mettre en place des stratégies de contrôle plus adaptées.
Ce questionnement a été décliné avec des approches de taxonomie moléculaire, de phylogéographie et de génétique des populations sur un modèle d’intérêt en santé humaine, le moustique Aedes aegypti ainsi que sur plusieurs modèles d’étude d’intérêt vétérinaire et zoonotique, les moucherons du genre Culicoides et les tiques dures des genres Amblyomma et Hyalomma.
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