Minéralité du vin : Une réalité sensorielle ?
Résumé
Il y a environ deux ans le professeur Raymond Silvestre faisait remarquer, dans cette même revue, une augmentation sensible dans l’utilisation du terme « minéral » ou encore « minéralité » pour décrire le vin dans la presse spécialisée, les guides et par les producteurs eux-mêmes. D’autres professionnels du vin, y compris dans le monde anglo-saxon, ont également remarqué cette tendance, à tel point que certains suggèrent la possibilité d’une utilisation abusive de ce terme (Easton, 2009). En effet, la minéralité semble être à la mode et est systématiquement associée à la qualité, l’originalité et l’authenticité, en particulier pour les vins blancs de climat septentrional. Malgré l’importance grandissante du descripteur minéral dans le monde du vin, il est surprenant de constater le manque cruel de publications scientifiques consacrées à ce sujet. La difficulté majeure pour comprendre ce qu’est la minéralité est le fait que cette sensation semble être multisensorielle. En effet, quand on observe l’utilisation qu’en font les experts, la minéralité serait une sensation multimodale combinant olfaction, gustation et sensations trigéminales. Il est courant de voir la minéralité associé a des notes aromatiques de silex, pierre à fusil, pierre sèche ou mouillée, graphite, huitres fraîches, coquillages, fumée, pétrole mais aussi à des saveurs comme dans « minéralité saline », « minéralité amère ». D’autres expressions plus imagées comme « minéralité pure et cristalline » ou encore « tension minérale », sont également courantes. La minéralité est fréquemment associée au « terroir » (caractéristiques pédoclimatiques). Cependant, aucune étude scientifique n’a mis en évidence ce lien et si lien y a, les mécanismes sous-jacents restent encore méconnus. Certains professionnels du vin suggèrent que les minéraux du sol confèrent directement des notes minérales au vin. Le monde de la recherche reste pour l’instant sceptique face à cette théorie, compte tenu de la complexité des processus impliqués depuis le sol jusqu’au vin. D’autres pensent qu’il y aurait un lien entre les notes minérales perçues au nez et un certain niveau de réduction et que des composés soufrés pourraient être à l’origine des notes minérales perçues au nez. En accord avec cette idée, Tominaga et al. (2003) ont montré que le Benzenemethanethiol avait un impact sensoriel à des concentrations très faibles (seuil de détection : 0,3 ng/L) et semblait être à l’origine d’une dimension empyreumatique qui pourrait être reliée à la note olfactive « pierre à fusil ». Nous avons mis en place une étude exploratoire sur du vin de Chardonnay de Bourgogne, visant tout d’abord à vérifier l’existence d’un concept sensoriel rattaché à la minéralité, c’est-à-dire, dans quelle mesure les dégustateurs experts sont consensuels dans l’utilisation de ce terme que ce soit au nez ou en bouche. Notre deuxième objectif était de relier le jugement de minéralité des experts à une description des échantillons plus objective réalisée avec un panel descriptif entraîné, ce qui permettrait de mettre en évidence des sous-dimensions de la minéralité et de ce fait nous aider à mieux la comprendre.