Contribution de la rhizodéposition aux matières organiques du sol, quelques implications pour la modélisation de la dynamique du carbone
Résumé
La connaissance de la rhizodéposition, transfert de carbone des racines vivantes des plantes vers le sol, est un verrou pour la prévision et la modélisation du stockage de carbone dans les sols. D’une part les flux souterrains entrant dans le sol sont difficiles à quantifier, d’autre part le devenir à long terme du carbone rhizodéposé est peu connu. Notre analyse des données bibliographiques obtenues par traçages isotopiques par le 14C indique que le flux de rhizodéposition s'élève en moyenne à 0,57 x la production nette de racines, avec une grande variabilité et une part d'incertitude assez élevée. Nous avons quantifié le flux de rhizodéposition dans quelques systèmes sols-plantes (sur des systèmes en blé, colza, maïs, tournesol, ray-grass, fétuque) au moyen de traçages isotopiques par le 13C des photoassimilats et enregistré des flux du même ordre, entre 0,30 et 0,55 x la production racinaire nette. Dans le cas du blé, les rhizodépôts sont en majorité des sucres, où prédomine le glucose. Ces sucres sont principalement engagés dans des polymères excrétés ou pariétaux. Les sucres simples (exsudats) libérés dans le sol sont biodégradés très vite, avec un rendement de conversion en carbone microbien est élevé. In fine, les rhizodépôts ont une rémanence à long terme dans les sols au moins égale à celle des autres produits végétaux. L'expression du priming effect (stimulation de la biodégradation des matières organiques du sol par l'apport de carbone dégradable) 202 J. Balesdent et al.Etude et Gestion des Sols, 18, 3, 2011 par les exsudats d'une part et par les litières racinaires d'autre part a été évaluée par des expériences de double marquage 13C 14C. Les composés complexes comme la cellulose induisent un "priming effect", au contraire des exsudats de bas poids moléculaire. Ce priming par les apports racinaires concerne les matières organiques profondes, dont la dégradation est limitée par la faible densité de microorganismes. Concernant la modélisation du carbone à long terme, la stratégie de modélisation proposée est, en l'absence d'informations plus précises, d'estimer le flux de rhizodéposition entre 0,30 et 0,60 (0,45 ± 0,15) x la production racinaire nette telle que mesurée par extraction et lavage des racines, et de l'allouer aux compartiments végétaux les plus biodégradables des modèles (compartiment DPM pour Roth C et META pour Century). La stratégie de modélisation de l'impact de second ordre des apports de carbone souterrain sur les matières organiques est plus complexe, non linéaire et nécessitera une modélisation plus prospective, de nouvelle génération, sur la base de stratégies écologiques. La contribution quantitative importante des racines aux matières organiques du sol nous amène à vivement déconseiller la récolte des parties souterraines des cultures, qui réduirait considérablement la qualité des sols à terme.
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