L'émergence de la sociologie rurale en France (1945-1967)
Résumé
By "returning to our origins", we gain insight into the conditions under which the major ideas took shape that contributed to the formation of rural sociology in France. The context was the modernization of the countryside. Sociology had to come to grips with this context, which oriented its theoretical and methodological choices. This article covers the period from 1945 to 1967, running from reconstruction following WWII to the publication of La fin des paysans [The vanishing peasant] by Henri Mendras, a book that was a crowning achievement in the corpus of rural sociology. This corpus combines analyses of social changes in the countryside and of the existence of a rural world with its particularities distinct from the larger, "overarching society". Two successive phases can be pointed out. The first corresponds to the emergence of this discipline out of both the determination to modernize the country after the war and the academic logics that fit into the town/country opposition cherished by agrarians and the French Third Republic. During the second phase, rural sociology, under the influence of culturalist approaches, broadened its horizon to become involved, along with ethnology and geography, in making an inventory of rural societies with the objective of drawing up a typology.
Ce « retour aux origines » éclaire les conditions d’émergence des principales notions qui ont contribué à la formation de la sociologie rurale en France. Il s’inscrit dans le contexte de la modernisation des campagnes à laquelle la sociologie a été confrontée et qui a orienté ses choix théoriques et méthodologiques. Nous traiterons ici de la période 1945-1967, qui va de la reconstruction d’après-guerre à la publication de La fin des paysans d’Henri Mendras, ouvrage qui marque un aboutissement dans la constitution du corpus de la sociologie rurale. Ce corpus associe en effet une analyse de l’existence et des spécificités d’un monde rural distinct de la « société englobante » et une analyse du changement social dans les campagnes. Nous distinguerons deux phases successives. La première correspond à l’émergence de ce champ disciplinaire né du volontarisme modernisateur d’après-guerre et de logiques académiques encore largement inscrites dans la division ville/campagne chère aux agrariens et à la IIIe République. La seconde phase voit la sociologie rurale, gagnée par les approches culturalistes, élargir ses perspectives en s’investissant, aux côtés de l’ethnologie et de la géographie, dans le travail d’inventaire des sociétés rurales, avec pour objectif d’en construire une typologie.