Après avoir été le théâtre d'un gigantesque boom cacaoyer provoqué par le développement d'un large front pionnier qui a balayé le sud du pays d'est en ouest, la Côte d'Ivoire doit faire face, depuis une quinzaine d'années, à une crise multidimensionnelle, d'ordre économique, politique et écologique. A bien des égards, cette crise peut être lue comme la transposition à l'échelle nationale de la remise en question du modèle pionnier de mise en valeur du milieu et, plus spécifiquement, de la crise des institutions agraires et foncières qui ont régulé l'accès aux facteurs de production terre et travail et ont constitué de puissants leviers d'intégration sociale. La diffusion de la culture et du trafic de cannabis, à partir de la fin des années 80 doit être considérée au regard de cette crise des institutions de la frontière agraire. L'article montre comment le développement de la culture du cannabis repose sur les institutions spécifiques de la phase pionnière et permet leur reproduction, comme si l'innovation technique (l'introduction d'un nouveau produit dans les systèmes de production agricole et de commercialisation) permettait de repousser les ajustements sociaux et politiques que la crise économique et écologique semblaient imposer.