La naissance d’un premier enfant est un événement souvent considéré comme un tournant biographique, en particulier dans la trajectoire de vie des femmes. Plusieurs travaux montrent qu’aux différents enjeux de construction identitaire féminine s’ajoute alors celui de devenir une « bonne mère », fonction dont la définition varie selon le milieu culturel et social. Quant à l’enfant qui vient de naître, il concentre l’attention des professionnels de santé, qui recommandent fortement l’allaitement dans une perspective de santé publique. Dans ce contexte, l’allaitement constitue désormais une injonction sanitaire et morale qui, dès l’issue de la grossesse, s’impose dans la représentation actuelle de la « bonne mère », que les femmes s’approprient de manière socialement différenciée entre respect des recommandations ou affirmation de savoir-faire. Notre enquête, qui consiste en des entretiens semi-directifs avec des femmes allaitantes, aux âges variés, provenant de milieux sociaux diversifiés, primipares ou multipares, cherche à comprendre les enjeux du devenir mère et la place que prend cette expérience dans la vie des femmes qui allaitent. Comment se redéfinit l’identité des femmes qui doivent négocier leur quotidien entre rythmes et besoins maternels, infantiles et professionnels ? Le rapport au corps des femmes allaitantes, un corps en transformation, est aussi au cœur de la question – socialement située – du corps dans la construction de l’identité féminine. En s’intéressant à l’origine et à la trajectoire sociale des enquêtées, nous mettrons au jour différents profils de femmes, qui vivent l’allaitement de façon diversifiée, en fonction de la façon dont elles conçoivent la relation à leur enfant, leur rôle de mère et leur fonction sociale.